Une étude de l’INSERM menée chez le rat montre que les animaux exposés précocément à l’alcool ont plus tendance à en boire, une fois adulte, que des rats témoins.
BINGE DRINKING”. D’un côté, des jeunes chez qui l’usage de l’alcool se banalise – notamment dans ces dangereuses courses à la cuite que sont les « binge drinking » où l’on boit énormément en un minimum de temps. De l’autre, 5 millions de Français dépendants de la bouteille. Y a-t-il un lien entre les deux ? Autrement dit, risque-t-on de devenir accro à l’alcool quand on a pris l’habitude de boire étant jeune ?
L’équipe de Mickaël Naassila (Unité INSERM Eri 24) s’est posé la question dans le cadre du projet européen AlcoBinge. Leurs premiers résultats viennent d’être publiés dans la revue Neuropharmacology.
ADOLESCENCE. Les scientifiques ont exposé des rats de souche Sprague-Dawley à des intoxications alcooliques répétées, alors que les rongeurs étaient dans la période de leur vie où ils sont considérés comme adolescents – soit 30 à 40 jours après la naissance.
Le régime de chaque animal : des breuvages aux degrés alcooliques variables selon le poids et l’âge des rongeurs, contenus dans des biberons dont les ouvertures étaient actionnées par les rats eux-mêmes, via un levier sur lequel il fallait appuyer.
Des conséquences comportementales et neurologiques
Les conclusions des chercheurs de l’INSERM ? Ils ont prouvé, et c’est une première, qu’une fois devenus adultes les rats ayant été exposés précocement à l’alcool sont extrêmement motivés pour en obtenir davantage.
LEVIER ET BIBERON. Concrètement : quand il fallait appuyer trois fois sur le levier d’un biberon pour obtenir une ration, les rats adultes intoxiqués depuis leur plus jeune âge appuyaient deux fois plus que les rats témoins.
Durant d’autres sessions, les chercheurs augmentaient progressivement le nombre d’appuis nécessaires sur le levier pour obtenir la ration d’alcool. De trois fois, il fallait passer à cinq, puis neuf, etc.
“On constatait alors que les rats les plus motivés pour continuer à appuyer sur le levier afin d’obtenir une ration et qui abandonnaient le moins facilement étaient ceux qui avaient pris l’habitude de l’alcool dès le plus jeune âge”, constate Mickaël Naassila
Ces rats sont aussi moins sensibles aux effets désagréables liés à une surconsommation d’alcool et ont donc plus tendance à continuer à en boire, sans modération.
Cette intoxication a aussi des effets au niveau du cerveau. Les chercheurs ont démontré qu’une région bien précise du noyau accumbens – la zone cérébrale jouant un rôle primordial dans le comportement addictif – réagit différemment, à long terme, à une nouvelle exposition à l’alcool chez des animaux ayant eu l’habitude d’en boire précocement. D’où une plus grande vulnérabilité de ces animaux.
Bref, l’étude de l’INSERM confirme les suspicions cliniques constatées chez l’homme : on est plus vulnérable à l’alcool si on y a été initié dès son jeune âge…