Le rapport sur l’usage des écrans par les enfants (1), remis au Président de la République fin avril, n’a pas jusque là connu la suite qu’il mériterait tant il est indispensable. Et si la surexposition des enfants aux écrans était un « mal du siècle »
Deux remarques nous alertent dans ce rapport alarmant mettant en évidence l’usage immodéré qu’en font les jeunes, et les conséquences pour leur santé mentale, sans compter la partie consacrée au numérique à l’école.
Un sondage Ipsos de 2022 faisait déjà état que les enfants de un à six ans consacraient au moins six heures par semaine à regarder des vidéos sur internet, quatre heures aux jeux vidéo et six heures à la télévision. Dans les écoles, Anne-Lise Ducanda, médecin de la Protection maternelle et infantile, constate les effets de cette consommation expo-nentielle. «De plus en plus d’enseignants déplorent l’augmentation du nombre d’enfants incapables de se concentrer en classe», relate-t-elle dans “Les tout-petits face aux écrans” (éd. Du Rocher, 2021).
Et pour les plus grands le travail des enseignants et enseignantes, déjà difficile, devient presque impossible : comment des élèves habitués à surfer, à scroller et à recevoir des décharges de dopamine toutes les minutes pourraient-ils physiquement supporter une heure de cours ?
Derrière les expressions, assenées par des experts, du « bon usage » du numérique, la responsabilité écrasante des entreprises du numérique est transférée aux parents, et plus particulièrement aux parents des classes populaires. S’appuyant sur ces problèmes, ces entreprises pèsent de tout leur poids pour imposer leurs solutions innovantes dans les écoles, sans prendre en compte les impacts qu’elles induisent pour la santé des jeunes.
Nous sommes devant non pas une simple évolution de la société mais un basculement anthropologique majeur. En l’espace de quinze petites années, nous avons vécu une révolution dont nous peinons à prendre la mesure. Une révolution qui s’apparente à une nouvelle domination. Les entreprises du numérique ont réussi en vingt ans à imposer une nouvelle norme sociale : celle de vivre avec six écrans en moyenne à la maison, de consulter un smartphone 200 fois par jour, de regarder des tunnels de vidéos. Le seul moyen d’offrir aux enfants un environnement sain et décent est de s’en écarter résolument et de transformer collectivement cette addiction devenue massive.
«Une récente revue de littérature internationale des travaux épidémiologiques sur l’exposition des enfants aux écrans (qui n’incluait pas la France) indique que le temps d’écran varie principalement en fonction de l’origine ethnique des parents (les enfants de minorités ethniques étant plus fréquemment et plus longuement exposés aux écrans), de l’âge et du niveau d’éducation de la mère, ainsi que du revenu de la famille (leur élévation est négativement associée au temps écran)», lit-on dans Enfant et écrans de 0 à 2 ans à travers le suivi de cohorte Elfe.
Une politique de prévention ne saurait être la seule réponse à apporter, mais elle apparaît en effet fondamentale à l’heure où la jeunesse française passe la majeure partie de son temps éveillé devant un écran, essentiellement pour des contenus de divertissement, sans compter les dérives auxquelles elle est soumise telles que l’exposition à la violence, au cyber-harcèlement et à la pornographie.
L’addiction de toute une génération d’enfants aux écrans est devenue un problème de santé publique.
(1) Rapport de la commission d’experts sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans. Lire le rapport (pdf)
Les conseils de la pédiatre Sylvie Dieu Osika :
“Il faut interdire l’exposition avant 2 ans et demi, avant l’acquisition du langage.”
“La chambre doit être un endroit où il n’y a ni télé, ni portable, ni tablette, ni ordi, ou en tous cas sans accès au Wi-fi entre 22h et 7h du matin.” (Les 4 pas )