L’association Campagne Glyphosate, a publié dans la revue Environmental Science and Pollution Research, ce mois de janvier les conclusions de l’étude menée à partir 6 848 participants volontaires issus de 84 départements, entre juin 2018 et janvier 2020 sur des prélèvements d’urine effectués sous contrôle d’huissier pour chacun, puis analysés, via la méthode Elisa, par un laboratoire allemand unique : Biochek… .
Mené sous l’égide d’un comité scientifique, comprenant notamment la chercheuse à l’Établissement français du sang Julie Di Cristofaro, le directeur de recherche à l’Inserm Denis Lairon ou le statisticien Christian Paroissin, ce programme vient donc d’être publié , en ce mois de janvier.
« L’objectif était d’évaluer la fréquence et le niveau de contamination au glyphosate de la population française, à l’échelle nationale, en essayant de déterminer les associations possibles entre ces niveaux et un certain nombre de facteurs comme les saisons, les caractéristiques biologiques des participants, leurs modes de vie, leurs habitudes alimentaires ou leur profession », explique le mathématicien Daniel Grau, l’un des scientifiques responsables de l’étude.
Résultats de ces tests : des traces de la molécule ont été trouvées dans les fluides corporels de 99,8 % des participants, avec un taux moyen de 1,19 nanogramme par millilitre (ng/ml), pour un maximum de 7 ng/ml. « C’est dix fois le maximum autorisé dans l’eau de boisson », indique Denis Lairon.« La question qui se pose maintenant, c’est : on fait quoi ? Il est quand même étonnant que dans un pays comme la France, ce soient les citoyens qui se mobilisent et financent une étude que personne n’avait faite jusqu’à maintenant », s’indigne Denis Lairon.
L’étude confirme une présence plus importante de l’herbicide chez les hommes, les fumeurs, les consommateurs de bière et les agriculteurs, particulièrement chez les viticulteurs, gros utilisateurs de glyphosate. Ce taux décroit avec l’âge – les enfants font donc partie des plus vulnérables – et chez les adeptes du bio. Et de rappeler, au passage, l’existence de plusieurs autres études de l’Inserm, en 2013 et 2021 notamment, sur les pathologies associées à ces pesticides.
En ciblant le glyphosate, herbicide le plus utilisé dans le monde, (l’herbicide le plus utilisé, suspecté d’être cancérigène pour l’homme par les experts du CIRC de l’OMS), en France en particulier, l’association espère, par ailleurs, alerter l’opinion et les pouvoirs publics sur le niveau de contamination des personnes par l’ensemble de ces pesticides. Une exposition confirmée par l’étude Esteban, publiée, cette fois, par Santé publique France, le 21 décembre dernier.
Ces résultats pour la France sont en accord avec d’autres données d’études réalisées dans d’autres pays, en particulier européens (Knudsen 2017 ; Conolly 2018 ; Ferreira 2021)
La Campagne glyphosate, qui accompagne ces démarches, espère que son étude incitera le tribunal à s’en saisir. Elle s’est, par ailleurs, associée à la coalition de 29 ONG à l’origine de la campagne Secrets toxiques dénonçant les carences des pouvoirs publics dans l’évaluation d’une dizaine d’herbicides vendus encore dans les jardineries.
Référence de l’article : les résultats de l’étude sont publiés dans la revue scientifique spécialisée Environmental Science and Pollution Research (ESPR), le 12 janvier 2022.
Titre : Quantifiable urine glyphosate levels detected in 99% of the French population, with higher values in men, in younger people, and in farmers
Auteurs : Daniel Grau, Nicole Grau, Quentin Gascuel, Christian Paroissin, Cécile Stratonovitch, Denis Lairon, Damien A. Devault, Julie Di Cristofaro