Ils sont faciles à préparer à la maison, ils plaisent aux enfants, les industriels de l’agroalimentaire les adorent : les nuggets de poulet. Mais qu’est-ce qui se cache sous la panure ?
C’est cette enquête qu’a menée Reporterre : nous la rapportons
“Au supermarché, direction les rayons de produits frais et surgelés. Impossible de rater les boites rectangulaires aux couleurs dominantes chaudes de « beignets », « frites », « petits panés » ou « nuggets (extra-)croustillants » à base de poulet. Les prix varient entre 9 et 15 euros le kilo. Dans notre panier témoin, une boite de marque distributeur, une autre, plus colorée, de la marque au bonhomme grassouillet : 2,03 et 2,46 euros respectivement, pour 200 g à chaque fois. Sur la tranche des emballages, la liste des ingrédients est longue et mystérieuse : de la viande à base de poulet reconstituée, de l’eau, des « E » suivis de trois chiffres, des arômes, de l’amidon… La dégustation peut commencer.
Lunettes sur le bout du nez, méticuleux, il scrute les emballages. Les nuggets de la marque de distributeur d’abord. Premier ingrédient : « Préparation à base de viande de poulet et de dinde traitée en salaison reconstituée 60 %. » Ou l’art de la formule alléchante. Les informations les plus « croustillantes » sont à suivre, entre parenthèses : « Eau, viande de poulet origine France 17 %, viande de dinde origine France 10 %, peau de volaille, fibres de blé, gluten de blé, acidifiants : E326, E262, sel arômes. » Le restaurateur fait la moue. « Le fait que l’eau soit indiquée en premier lieu indique que c’est l’élément principal de la préparation. » On ne sait pas dans quelle proportion. Le reste ? Selon nos calculs, 27 % seulement du total de la garniture seraient de la viande de dinde et de poulet, « mais on ne sait pas laquelle, c’est-à-dire quelle partie de l’animal », poursuit le restaurateur. Et de la peau ? « Les nuggets, c’est le moyen de faire passer de la viande qui ne serait commercialisée autrement. » La mention « origine France » accolée serait-elle un avantage du spécimen ? Paule Neyrat, nutritionniste, notre seconde analyste, n’est pas si optimiste : « C’est pour faire bien, pour rassurer, mais la peau de volaille qui arrive en troisième position et qui doit représenter juste un peu moins de 10 % – on n’est pas obligé d’indiquer le pourcentage à partir du troisième ingrédient –, on ne sait pas d’où elle vient ! »
Quant à la pâte à beignet, les 40 % restant de nos bouchées panées, elle contient dans l’ordre : « Eau, huile de tournesol et de colza, farine de blé, sel, épices, dextrines, poudres à lever, E450i, E500i, colorants, extraits de paprika, curcumine… ». Des agents de texture, acidifiants et autres exhausteurs de goût. « Les additifs sont légion dans ces produits et on sait qu’ils ont des conséquences néfastes sur la santé », poursuit la nutritionniste. Le vrai bon point de l’échantillon : « Les huiles de tournesol et d’arachide, meilleures que l’huile de palme, riche en acides gras saturés nocifs », habituellement définie comme « huile végétale » sur nos étiquettes.
Quant aux mixtures bon marché à base de viandes « reconstituées » ? « Les industriels utilisent une viande dite “préprocessée”, ce qui signifie qu’on y a injecté des additifs comme le phosphate et le carbonate pour que la viande retienne l’eau, gonfle et soit plus lourde. C’est exactement la même chose que pour certains filets de dinde ou de poulet vendus dans les grandes surfaces. » Sans parler de la peau des bas morceaux ajoutés à cette savante mixture.
En 2013, une enquête, avait été publiée par The American Journal of Medecine, qui montrait que les « nuggets de poulet » sont bien loin de mériter cette dénomination. L’étude se fondait sur deux échantillons issus de deux grandes chaînes de fast-food états-uniennes et en préservait l’anonymat. Au microscope, les chercheurs ont découvert que le muscle de poulet (le blanc) ne constituait qu’à peine la moitié de la viande de chaque beignet. Le reste ? Graisses, peau, veines, nerfs, viscères, cartilage et os broyés. Les lobbies du poulet frit reprochaient alors à l’équipe scientifique de n’avoir étudié que deux exemples. Étude trop partielle selon eux”.