Une nouvelle étude publiée dans Nature met en évidence les liens forts qu’il y a entre la réchauffement climatique et les effets du relargage du méthane et de la production de CO2 dans les zones polaires.
Le réchauffement climatique pourrait engendrer une forte perte de carbone par les sols, plus qu’on ne le pensait jusqu’alors. Sous la forme de CO2 et de méthane, ces rejets pourraient atteindre l’équivalent des émissions étatsuniennes d’ici à 2050, accélérant encore plus le réchauffement.
Plus grandes réserves de carbone terrestre, les sols sont soumis à deux phénomènes simultanés et opposés : d’une part une absorption de carbone par la végétation, via la photosynthèse, d’autre part une décomposition des matières organiques issues des organismes morts, dont les plantes, par respiration microbienne.
Nul ne sait avec certitude dans quel sens évoluera cet équilibre sous l’effet du réchauffement : la croissance végétale, stimulée par le CO2 atmosphérique, devrait certes s’accélérer, mais la hausse des températures va aussi favoriser la respiration microbienne. A ce jour, les études menées à ce sujet divergent, selon les latitudes auxquelles ont été menées.
Dans une première analyse à l’état mondial, Tom Crowther, de l’université de Yale (Connecticut), et ses collègues ont regroupé les données de 49 expériences menées en Europe, en Amérique du Nord et en Asie, analysant la réponse des sols à la hausse de température -dont certaines conduites sur plus d’une dizaine d’années. Leurs résultats sont sans appel : au niveau mondial, la respiration microbienne devrait nettement l’emporter sur la photosynthèse.
L’effet sera modeste dans les latitudes tempérées, où les deux phénomènes devraient à peu près s’équilibrer: les sols présentent une teneur faible ou modérée en carbone, et la croissance végétale devrait permettre d’éponger le surplus. Rien de tel dans les hautes latitudes des régions arctique et subarctique, où le réchauffement est plus fort : jusqu’alors préservé de la décomposition par des températures glaciales, le pergélisol, épaisse couche gelée de matières organiques, va dégeler. Ce carbone –on estime que le pergélisol contient un cinquième des stocks terrestres- sera ainsi disponible pour les micro-organismes, dont l’activité sera fortement avivée par la hausse de température.
Selon Tom Crowther, «ces gaz à effet de serre pourraient accélérer le réchauffement, ce qui aurait un effet encore plus marqué sur les sols, engendrant un effet domino». Face à un tel emballement, rien n’assure que les promesses de stocker plus de carbone dans les sols, notamment agricoles grâce à l’initiative française «4 pour 1.000», soient de quelques secours contre la fonte du pergélisol.
Dans Nature du 1er décembre 2016 : Quantifying global soil carbon losses in response to warming