L’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) se base sur des données et des experts en provenance de l’industrie, ce qui biaise la sérénité de son jugement. C’est ce que montre un rapport publié par Corporate Europe Observatory (CEO) et Earth Open Source (EOS)
Nina Holland, de Corporate Europe Observatory, explique : « Notre enquête montre que les intérêts industriels ont pénétré au coeur même de l’EFSA. La fréquence des conflits d’intérêts au sein du conseil d’administration et des panels d’experts, ainsi que le fait de se baser largement sur des études de l’industrie, sapent la capacité de l’EFSA à agir conformément à l’intérêt public en matière de sécurité alimentaire. Le fonctionnement de l’EFSA doit être complètement révisé ».
L’ONG a analysé les déclarations publiques d’intérêts de plus de deux cents scientifiques répartis dans les dix groupes d’experts de l’agence européenne. Chacun d’eux est dévolu à un domaine précis (pesticides, OGM, additifs alimentaires, matériaux au contact des aliments…) et se trouve régulièrement amené à évaluer la sûreté des substances entrant dans la chaîne alimentaire. C’est-à-dire de tout ce qui finit, d’une manière ou d’une autre, dans l’assiette des Européens.
« Nous avons analysé un à un tous les liens d’intérêts déclarés par ces experts et nous concluons que 46 % d’entre eux sont en conflit d’intérêts, direct ou indirect, avec des entreprises dont ils sont censés évaluer les produits »,explique Martin Pigeon, chercheur à CEO et auteur du rapport –
En revanche, l’EFSA a une approche différente de cette question. Elle considère par exemple qu’une évaluation scientifique réalisée par un membre du groupe scientifique responsable de la santé et du bien-être animal n’est pas compromise si l’expert conduit par ailleurs des recherches dans un domaine différent, par exemple la nutrition humaine, financées par un opérateur commercial. Il est important de noter néanmoins qu’aucune personne employée par l’industrie ou travaillant à temps plein en tant que consultant n’a le droit de devenir expert au sein d’un groupe scientifique ou d’un groupe de travail de l’EFSA. L’EFSA confirme qu’elle a mis en œuvre son règlement de façon rigoureuse pour assurer l’indépendance de ses avis scientifiques. Nonobstant ce qui précède, le rapport CEO constitue une contribution intéressante au débat sur la science et la société, et l’EFSA le prendra en considération lorsqu’elle réexaminera au fil du temps son règlement en matière d’’indépendance et de processus décisionnels scientifiques.