Selon le dernier rapport publié par le Pnue, les rejets en provenance de l’agriculture et de l’élevage tout comme les déchets de plastiques compromettent la vie des océans et indirectement mettent en jeu la santé de la faune, de la flore et de qualité de la vie humaine.
Des quantités énormes de phosphore, un engrais précieux pour nourrir une population mondiale croissante, se perdent dans les océans à cause de pratiques agricoles inadéquates et de l’incapacité des Etats à recycler correctement les eaux usées.
La pollution au phosphore, ainsi que d’autres rejets de produits non contrôlés tels que l’azote ou encore ceux présents dans les eaux usées provoquent une prolifération d’algues comme en Bretagne, qui, à leur tour, dégradent la qualité de l’eau, empoisonnent les stocks de poissons et font diminuer le tourisme côtier.Rien qu’aux États-Unis, les coûts de ce problème atteignent 2 milliards de dollars par an. Par extrapolation, au niveau mondial, le coût de ces dégâts peut atteindre des dizaines de milliards de dollars par an.
Parallèlement à cela, l’impact de milliards de morceaux de plastique de toutes tailles sur la santé de l’environnement marin mondial entraîne des inquiétudes croissantes.Des recherches récentes suggèrent que les morceaux de plastique retrouvés dans les océans sous forme de petits fragments, aux côtés de pastilles rejetées par l’industrie, peuvent absorber toute une gamme de produits chimiques toxiques liés au développement de cancer et à des problèmes de fertilité chez les humains, mais aussi chez les animaux.Les experts soulignent que ces nouvelles préoccupations concernant les rejets de phosphore et de matières plastiques renforcent la nécessité d’une meilleure gestion des déchets dans le monde, de même qu’elles renforcent le besoin de nouveaux modèles de consommation et de production.
Ces deux questions sont donc mises en avant en tant que questions-clés dans l’Annuaire 2011 du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) présenté hier, avant l’ouverture du Forum ministériel mondial sur l’environnement qui réunira les ministres de l’Environnement du monde entier, à partir de lundi prochain.«La pollution des océans due à la présence excessive de phosphore et de matières plastiques dans les océans met en évidence la nécessité urgente de combler les lacunes scientifiques, mais aussi de catalyser une transition mondiale vers une économie verte, utilisant peu de ressources naturelles, afin de créer un développement durable et lutter contre la pauvreté […], il existe manifestement des occasions de générer de nouveaux types d’emplois et de nouveaux types d’industries plus efficaces […]. Des industries dotées de systèmes de gestion plus intelligents, des industries dans lesquelles le recyclage est un impératif qui sert à transformer les déchets et leurs impacts négatifs sur l’environnement et la santé en une ressource précieuse, des industries qui tentent de garder l’empreinte carbone de l’humanité dans des limites acceptables pour la planète», a déclaré le secrétaire général adjoint de l’ONU et directeur exécutif du PNUE, Achim Steiner.
Le phosphore, une richesse et une menace
L’Annuaire du PNUE 2011 a mis en évidence la problématique du phosphore, dont la demande mondiale a explosé au cours du XXe siècle, en partie à cause du débat houleux sur l’épuisement annoncé (réel ou non) des réserves de cette roche phosphatée. Selon les calculs du PNUE, l’utilisation mondiale d’engrais contenant du phosphore, de l’azote et du potassium a augmenté de 600% entre 1950 et 2000. L’Annuaire précise que la croissance démographique dans les pays en voie de développement couplée à une consommation accrue de produits laitiers et de viande dans l’alimentation mondiale pourrait entraîner une utilisation encore plus importante de ce type d’engrais.D’autres recherches sont également nécessaires concernant la manière dont le phosphore voyage dans l’environnement, afin de maximiser son utilisation dans la production agricole et dans l’élevage, et de minimiser le gaspillage, donc les impacts environnementaux sur les rivières et les océans. Actuellement, les humains consomment seulement un cinquième du phosphore extrait de mines via l’alimentation, le reste se retrouve dans les sols ou est rejeté dans l’environnement aquatique. Au cours des 50 dernières années, les concentrations de phosphore en eau douce et dans la terre ont augmenté d’au moins 75%. Le débit estimé de phosphore dans le milieu marin se situe actuellement à environ 22 millions de tonnes par an.Concernant les palliatifs, le PNUE souligne les opportunités énormes de recyclage des eaux usées. Dans les mégalopoles des pays en voie de développement, jusqu’à 70% de l’eau contenant des nutriments et des engrais (comme le phosphore) est déversée dans les rivières et les zones côtières sans être traitée. Des mesures pour réduire les rejets existent pourtant, note le rapport du PNUE. L’une d’entre elles consiste, par exemple, à stopper l’érosion et la perte des sols arables où de grandes quantités de phosphore sont stockées après l’application d’engrais.En Afrique, les pertes de sols arables atteignent près de 0,50 tonne par hectare et par an. En Asie, ces pertes sont encore plus élevées, elles sont de l’ordre de 1,70 tonne par hectare et par an.Stimuler les taux de recyclage dans les mines de phosphate peut également aider à la conservation des stocks de phosphore et à la réduction des rejets dans les réseaux de distribution d’eau locaux.
Le plastique, une bombe toxique à retardement
La seconde question mise en évidence dans l’Annuaire du PNUE 2011 concerne l’impact des matières plastiques sur les océans.
En effet, les scientifiques ne se préoccupent plus seulement des dommages directs sur la faune et la flore des milieux marins, mais ils s’inquiètent aussi de la toxicité potentielle d’un certain type de matériaux : les micro- plastiques.Les micro-plastiques sont des petits morceaux de plastiques mesurant à peine plus de cinq millimètres de longueur. Ils sont libérés sous forme de pastilles par l’industrie, ou formés à partir de gros morceaux de plastique désagrégés par l’action des vagues et du soleil.Les quantités exactes de matières plastiques et micro-plastiques, venant de décharges terrestres ou des rejets de déchets des bateaux qui se perdent ou se forment dans les océans sont inconnues.
Ce que l’on sait, c’est que la consommation par habitant de matières plastiques (d’emballages et de sacs plastiques venant de l’industrie des biens de consommation) a fortement augmenté.
Il est donc nécessaire et urgent d’améliorer et de rénover le suivi des déchets plastiques dans le milieu marin, d’autant plus que nous ne comprenons pas encore bien le sort ultime de ces matériaux. Toutefois, il est prouvé que certains plastiques ne flottent pas mais coulent et s’accumulent dans les fonds marins. «Des débris de plastique ont été observés sur le plancher océanique, dans les profondeurs du détroit de Fram dans l’Atlantique Nord, et en eau profonde au large des côtes de la Méditerranée. Une grande partie du plastique qui est rejeté dans la mer du Nord s’accumule dans les fonds marins de la région», ajoute l’Annuaire du PNUE.Or, souvent, la faune mange les déchets plastiques, les confondant avec de la nourriture. Les albatros, par exemple, confondent souvent les plastiques rouges avec les calmars, de même que les tortues s’étouffent avec des sacs plastiques qu’elles prennent pour des méduses. Certaines espèces de jeunes oiseaux de mer peuvent souffrir de malnutrition si elles se nourrissent trop souvent de plastique. Les poissons peuvent ingérer ces micro-plastiques à peine plus gros que le plancton. Des espèces comme l’espadon ou le phoque, qui sont au sommet de la chaîne alimentaire, sont citées comme étant potentiellement vulnérables. Or, ces espèces sont régulièrement consommées par les humains. Ainsi, ces déchets peuvent se retrouver dans notre assiette.
Pour le PNUE, c’est là une question préoccupante, car elle concerne des «substances persistantes et toxiques, bio-accumulables» qu’on retrouve dans les déchets plastiques marins. Des recherches indiquent que les petits morceaux de plastique adsorbés concentrent un large éventail de produits chimiques – allant des biphényles polychlorés (PCB) au pesticide DDT – présents dans de l’eau de mer et les sédiments. «Ces polluants, dont font partie les PCB, sont des perturbateurs endocriniens pouvant provoquer une baisse de la fertilité, des mutations génétiques et des cancers», rapporte l’Annuaire du PNUE 2011.
«Certains scientifiques craignent que ces produits contaminants persistants ne se retrouvent dans la chaîne alimentaire, bien qu’il y existe de nombreuses incertitudes sur le degré de dangerosité que ce problème pourrait poser pour la santé humaine et la santé des écosystèmes», ajoute-t-il.
Une étude récente des concentrations de PCB dans les pastilles de plastique échouées sur les plages a été effectuée sur 56 plages dans près de 30 pays. Pour une meilleure connaissance des implications de cette pollution, la publication insiste sur la nécessité d’une intensification des recherches en la matière.
Une des solutions qu’on pourrait adopter est la généralisation du recyclage. Actuellement, le taux de recyclage et de réutilisation des matières plastiques varie énormément d’un pays à l’autre et ce, même dans les pays développés.
Parallèlement, l’Annuaire du PNUE lance un appel pour une application plus scrupuleuse des directives et lois visant à réduire les rejets de déchets en plastique et pour une meilleure information des consommateurs, pour un changement de comportement en matière de consommation de plastique et, enfin, pour un meilleur soutien aux initiatives nationales et communautaires.
Le rapport conclut que des efforts doivent être entrepris en matière de collecte, de recyclage et de réutilisation des matières plastiques. «Si le plastique était considéré comme une ressource précieuse, au lieu d’être considéré comme un simple déchet, cela créerait une série d’opportunités pour la collecte et le retraitement.» Une autre solution est en train de prendre forme : le plastique à base végétale et biodégradable dont la fabrication en est encore au stade expérimental.