Une nouvelle étude européenne à laquelle Bertrand Bessagnet de l’Institut national de l’environnement et des risques (Ineris)a participé propose des estimations de concentrations de particules PM10 en 2030. Si ce type de modélisation n’est pas nouveau, sa cible a changé, s’intéressant surtout à des stations urbaines problématiques plutôt qu’à des moyennes nationales. Au total, les chercheurs ont sélectionné 1.870 stations de mesure européennes et ont effectué leurs projections à partir des concentrations observées en 2009.
Il en résulte que la population des grandes métropoles européennes et de certaines zones d’Europe centrale et orientale, comme le sud de la Pologne, peut s’attendre à ce que les plafonds d’émission de PM10 soient dépassés en 2030. Ce qui sera lourd de conséquences sur les crises d’asthme, les maladies cardiovasculaires et respiratoires. La pollution aux particules est déjà responsable de 400.000 morts prématurés par an en Europe selon une étude l’Agence européenne de l’environnement (AEE) datant de 2011.
Or la directive de 2008 sur la qualité de l’air limite à 35 le nombre de dépassements annuels du plafond européen sur les concentrations de PM10 (50 microgrammes par mètre cube en moyenne journalière). Elle plafonne aussi à 40 mg/m3 la concentration moyenne sur l’année. Des seuils régulièrement dépassés par la plupart des pays de l’UE, comme en France.
.
Bruxelles a en effet fixé à 35 le nombre maximal autorisé de jours pour lesquels le seuil d’information (50 microgrammes par mètre cube en moyenne sur 24h) est dépassé sur une station de mesure.
Pour réduire de façon significative les concentrations de PM10, il est donc urgent de réformer la législation actuelle sur la qualité de l’air. Un défi d’autant plus grand que la révision du paquet européen, proposée le 18 décembre 2013 par Bruxelles, a été supprimé de l’agenda 2015 par la nouvelle Commission, c’est pourquoi certains députés européens avait fortement réagit à cette annonce.
En septembre dernier, l’Ineris avait déjà présenté une étude sur les effets de cette nouvelle proposition législative attendus en 2030, montrant que les nouveaux plafonds d’émission seraient dépassés dans plusieurs régions françaises, dont l’Ile-de-France, le Nord-Pas-de-Calais, l’Alsace, Rhône-Alpes, ou Provence-Alpes-Côte d’Azur. Pour être efficaces, les politiques de réduction de la pollution atmosphérique doivent donc être complétées au niveau régional.
Les chercheurs se sont d’ailleurs intéressés aux effets d’un scénario volontariste. Résultat: si toutes les technologies disponibles pour réduire la pollution aux particules étaient mises en place en Europe, 99% des stations de mesure correspondraient à la législation européenne en 2030, estiment les scientifiques.
Si la composition chimique et la provenance géographique de ces particules varient fortement d’un endroit à l’autre, les PM10 émises localement proviennent toujours essentiellement du trafic routier et de certains systèmes de chauffage domestique (au bois et au charbon).
Par ailleurs une récente étude américaine de l’American Journal of Epidemiology soulignait qu’en plus des conséquences sanitaires jusqu’à présent souvent évoquées une recrudescence de suicides pourrait être liée aussi à ces épisodes de pollution atmosphérique en particulier aux oxydes d’azote.