Le temps du scientifique n’est pas celui des médias, et encore moins celui du sensationnel.
En 2015, le Registre des malformations en Rhône-Alpes (Remera) a rédigé un rapport sur six cas suspects d’ATMS (cas d’agénésie transverse des membres supérieurs ) identifiés entre 2009 et 2014 dans l’Ain, concentrés dans un rayon de 17 km. En 2018 avec plusieurs années de recul c’est 8 enfants qui sont nés avec des malformations congénitales dans le département de l’Ain c’est-à-dire avec un bras ou une main qui ne se sont pas développés et sont décelés lors de la naissance du bébé . C’est alors que la directrice du Remera estime que cette concentration de cas « n’est probablement pas due au hasard » et recommande une enquête. Le rapport précise que « l’hypothèse la plus probable serait celle d’une exposition à un tératogène [un agent qui peut provoquer des déformations du fœtus] commun à ces six mères, peut-être une substance utilisée en agriculture ou en médecine vétérinaire ». Mais à cette époque, déjà, les experts étaient divisés, et le dossier refermé par les institutions.
C’était sans compter de la médiatisation de ce rapport, qui a permis de connaitre d’autres clusters en particulier en Loire Atlantique et en Bretagne, alors qu’on dénombre prés de 150 cas semblables par an. Plusieurs enquêtes son donc menées sans que des conclusions ne soient tirées. En juillet 2019, un comité d’experts réunis par SPF et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) concluait également à l’absence de cluster dans l’Ain.
On pensait le dossier refermé alors qu’une équipe de scientifiques a publié, le mardi 9 février dans la revue Birth Defects Research, une analyse, pourtant passée inaperçue, confortant la réalité d’un cluster d’agénésies transverses du membre supérieur (ATMS) dans une petite zone du département de l’Ain.
Ces travaux, conduits par la généticienne Elisabeth Gnansia, présidente du conseil scientifique du Registre des malformations en Rhône-Alpes (Remera) et Jacques Estève, biostatisticien aux Hospices civils de Lyon, apportent de nouveaux éléments à la controverse qui perdure depuis plusieurs années entre les responsables du registre Remera et les autorités sanitaires. Ils suggèrent que dans un cercle de 16,24 km centré sur la commune de Dompierre-sur-Veyle, le nombre de naissances d’enfants souffrant d’atrophie d’un bras ou d’une main, entre 2009 et 2014, a été près de dix fois supérieur à la moyenne.
Ainsi convaincus de la nécessité d’informer les responsables du Remera ont voulu valider leur analyse par une publication dans la littérature scientifique internationale: ce qui est dorénavant fait.