L’alimentation est l’un des facteurs clés du changement climatique :
Le système alimentaire industriel au niveau mondial est responsable de 44 à 57 % de l’ensemble des émissions de GES
La manière dont nous produisons notre nourriture et les étapes traversées avant d’arriver sur notre table sont responsables de près de la moitié de toutes les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’origine humaine. Les engrais chimiques, l’équipement lourd et les autres technologies agricoles dépendant du pétrole y contribuent largement.
Mais l’impact de l’industrie alimentaire dans son ensemble est encore plus important : elle détruit les forêts et les savanes pour produire de l’alimentation animale, elle génère des déchets dangereux pour le climat à travers des excès d’emballage, de transformation, de réfrigération et de transport de la nourriture sur de longues distances, laissant malgré tout des millions d’affamés au passage.
Un nouveau système alimentaire pourrait être un élément essentiel des solutions au changement climatique. Partout dans le monde, des gens sont engagés dans des luttes pour défendre ou créer de nouveaux modèles de production ou de partage de la nourriture qui soient plus sains pour leur communauté et pour la planète. Si nous nous efforçons de restructurer l’agriculture et le système alimentaire global, en les articulant autour de la souveraineté alimentaire, de l’agriculture familiale, de l’agroécologie et des marchés locaux, nous pouvons réduire de moitié les émissions mondiales en quelques décennies. Nul besoin de marchés du carbone ou de remèdes technologiques. Ce dont nous avons besoin, c’est de politiques et de programmes adéquats qui permettent de laisser tomber le système alimentaire industriel actuel et de créer à sa place un système durable, équitable et véritablement productif.
Il est parfaitement évident que nous ne pourrons pas sortir de la crise climatique sans transformer de toute urgence le système alimentaire mondial de fond en comble. Prenons le sol pour commencer. La nourriture prend sa source et finit dans le sol. Elle utilise le sol pour se développer et finit par retourner au sol où elle contribue à une nouvelle production : c’est le cycle même de la vie. Mais récemment les humains ont ignoré ce cycle de vie ; nous avons exploité le sol sans rien lui rendre en échange.
L’industrialisation de l’agriculture a débuté en Europe et en Amérique du Nord et s’est répétée plus tard par l’intermédiaire de la Révolution verte dans les autres régions du monde. Elle était fondée sur l’idée que la fertilité du sol pouvait être maintenue et améliorée en utilisant des engrais chimiques. L’importance de la matière organique pour le sol n’avait reçu que très peu d’attention.
De nombreux rapports scientifiques indiquent que les sols cultivés ont perdu entre 30 et 75 % de leur matière organique durant le vingtième siècle et que les sols des pâturages et des prairies en ont, de manière générale, perdu jusqu’à 50 %. Il ne fait aucun doute que ces pertes ont provoqué une sévère détérioration de la fertilité du sol et de sa productivité, et contribué en même temps à l’exacerbation des sécheresses et des inondations.
Si le monde décide sérieusement de mettre en œuvre ces changements, il nous est tout à fait possible de réduire de moitié les émissions mondiales de GES en quelques dizaines d’années. Ce serait dans le même temps un grand pas vers la résolution des autres crises qui affectent notre planète, notamment la pauvreté et la faim. Ce ne sont pas les obstacles techniques qui entravent notre route : les savoir-faire et les compétences sont déjà entre les mains des paysans du monde et nous pouvons nous appuyer sur eux. Les obstacles sont politiques et c’est bien sur ce domaine que nous devons concentrer nos efforts.
GRAIN – Alimentation et changement climatique: le lien oublié
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