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“Les crises alimentaires entraînent méfiance et inquiétude des consommateurs”: des réponses données par la Commission européenne en la personne de Frédéric Vincent porte parole de la Commission des consommateurs:
La commission se base sur des informations données par les industriels pour autoriser un produit avec additifs. Est-ce suffisant ?
L’un des principes fondamentaux de la législation européenne – mais ces règles existent au niveau international (OCDE) – est qu’il revient à l’industrie de démontrer que les substances en question peuvent être consommées. C’est à elle qu’il revient de mener (et donc de financer) les études demandées par les échelons scientifique et politique qui les vérifient et les approuvent éventuellement. Peut-on envisager que de l’argent public finance des études qui ensuite bénéficieraient à des opérateurs économiques privés ? L’Agence européenne fournit des lignes directrices que les industriels doivent impérativement suivre lorsqu’ils soumettent un dossier pour approbation.
La loyauté des industriels vis-à-vis des additifs a été récemment battue en brèche en France (une étude inopinée de la DGCCRF a décelé, en 2009, que 40 % des confiseries contrôlées étaient “non conformes”). Pouvez-vous engager des actions au niveau européen pour éviter ce genre de pratique ?
La législation européenne prévoit des rôles à chacun : à l’échelon européen, le processus d’autorisation de mise sur le marché, après avis scientifique ; au niveau nationa, la vérification de l’application de la législation. Ainsi c’est le rôle des autorités de surveillance, telles la DGCCRF en France et la FSA au Royaume-Uni, de vérifier par des études ou des contrôles inopinés que les produits mis en circulation sont conformes et respectent les teneurs maximales autorisées, les règles d’étiquetage, entre autres. C’est aussi au niveau national que se décident les sanctions.
Néanmoins, la Commission européenne, via son Office alimentaire et vétérinaire, a effectué une série de missions sur les additifs alimentaires dans dix-huit Etats membres. La question de l’étiquetage a effectivement été au cœur des discussions et une série de recommandations a été effectuée.
Toute toxicité est une question de concentration. Pourquoi l’Europe n’oblige pas les industriels à faire figurer les concentrations des additifs sur les étiquettes ?
C’est le rôle des opérateurs économiques de garantir la sécurité des additifs alimentaires qu’ils souhaitent commercialiser. Au niveau des décideurs politiques, comme la Commission européenne, il est incontournable de s’assurer des garanties scientifiques données par l’Agence européenne de sécurité alimentaire avant toute autorisation. Cet avis de l’agence inclut généralement une Dose Journalière Acceptable (DJA), qui constitue le niveau que l’on peut consommer quotidiennement sur une vie, sans risque.
Les effets cocktails (synergie possible entre additifs une fois les aliments ingérés) ainsi que les effets cinétiques (fixation dans le corps de certains addififs, et évolution chimique de leurs propriétés) sont des sujets d’étude dans certains laboratoires scientifiques académiques. Des études ad-hoc ont-elle été commandées par la commission ?
Oui, l'”effet cocktail” est de plus en plus pris en compte dans les évaluations menées au niveau européen. C’est effectivement un sujet à prendre en compte et l’Agence européenne travaille actuellement – avec des organismes régulateurs, en Europe et au-delà, ainsi que des scientifiques – à affiner ses méthodes d’évaluation afin de tenir compte de l’exposition simultanée dans le corps d’éléments chimiques.
La commission européenne s’est lancé dans une étude sur les additifs qui doit durer jusqu’en 2020. Pourquoi un tel délai ?
Plus de 300 additifs à revoir (précisemment 324) : ceci constitue un travail considérable (une trentaine d’additifs par an) qui demande donc du temps. C’est pourquoi la Commission a décidé de classer les additifs à revoir en fonction de critères de priorité qui tiennent compte en particulier de l’ancienneté des données scientifiques.
Un “programme de travail” a été élaboré donnant la priorité aux colorants et aux agents conservateurs. Un calendrier a été fixé. Cependant, ce calendrier peut être modifié en fonction de nouvelles demandes ou de l’émergence de données. Ainsi, alors que la réévaluation de l’aspartame était prévue pour 2020, la Commission – sur la base de nouvelles données scientifiques et d’une demande croissante de consommateurs – a décidé d’avancer à 2013 la publication par l’EFSA de son avis. Cet avis est donc attendu dans les prochains mois.
Lorsqu’un additif problématique est identifié dans un pays d’un autre continent (comme le E150d en Californie en janvier 2012), quelle est la procédure en Europe ?
Si de nouvelles données scientifiques sont mises en avant, la Commission les transmet à l’EFSA et l’Agence nous répond si oui ou non l’additif en question – et notamment son DJA – doit être revu. Dans le cas en question, l’EFSA a considéré que les données américaines ne justifiaient pas de revoir son autorisation.
Depuis le 16 décembre 2008, par réglement européen, les aliments comportant les additifs E110, E104, E124, E 122, E102, E129 doivent avoir sur leurs étiquettes la mention “peut avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention chez les enfants”. Par contre, les industriels ne sont pas obligés de mettre le nom de code de l’additif (Exxx), bien pratique pour informer les consommateurs, et peuvent choisir de mettre le nom chimique, difficilement identifiable. Est-ce le résultat d’un lobbying agro-alimentaire ?
La législation européenne laisse le choix aux opérateurs d’indiquer soit le nom de la substance, soit son numéro E. Généralement les deux sont disponibles sur l’étiquette, et la “fonction technologique” de l’additif (colorants, etc) est toujours indiquée. Donc un consommateur est informé de la présence d’additifs. De même, il existe des outils à sa disposition (par exemple une base de données créée par la Commission européenne) pour identifier les additifs et leur présence dans les différents types d’aliments.
Les sites internationaux collaboratifs, tels openfoodfacts, se multiplient pour “informer” le consommateur. Les contributions sont européennes et même mondiales. Quelles questions politiques cela pose-t-il ?
Tout ce qui va dans le sens d’une meilleure information du consommateur est à saluer. Les consommateurs portent de plus en plus une grande attention à ce qu’ils achètent et les canaux d’information se multiplient. Il est indéniable que des “crises” alimentaires (comme celle récente sur la viande de cheval) ou l’augmentation des cas d’obésité en Europe et ailleurs entraînent à la fois questionnement, méfiance, voire inquiétude pour un certain nombre de consommateurs. Ce genre de sites contribue très certainement à l’échange d’informations. Se pose ensuite la question de la véracité des informations échangées. Là aussi, il revient aux autorités nationales d’assurer leur rôle de surveillance et de faire en sorte que le consommateur soit correctement informé.