Selon un article de l’AFP transmis par “le Monde”du 9 juin
Le Distilbène (DES) est une hormone de synthèse qui a été prescrite pendant près de trente ans aux femmes enceintes pour prévenir les fausses couches. Entre deux et huit millions de femmes dans le monde ont été traitées de cette façon entre 1948 et 1976. En France, le DES a concerné environ 200 000 patientes. Des tumeurs vaginales et, chez les garçons, des malformations génitales (l’hypospadias) sont les effets secondaires connus chez les “enfants distilbène”.
Une étude épidémiologique portant sur les effets transgénérationnels du Distilbène montre que les petits-enfants des femmes traitées avec cette hormone de synthèse, prescrite pour prévenir les fausses couches, sont 40 à 50 fois plus exposés au risque de l’hypospadias. L’hypospadias est une malformation congénitale de l’urètre, dont l’orifice se trouve anormalement positionné sur la face inférieure du pénis et non à son extrémité. Détectée lors de l’examen pédiatrique, elle nécessite une intervention chirurgicale quand l’enfant atteint un an environ.
Une équipe constituée autour du professeur Charles Sultan (CHRU Lapeyronie de Montpellier) s’est penchée sur la prévalence de l’hypospadias chez les petits-enfants de ces femmes traitées au DES. La prévalence “apparaît être 40 à 50 fois supérieure” à celle attendue, a commenté le Pr Sultan.
Selon Nicolas Kalfa, chirurgien pédiatre cosignataire d’une analyse à paraître dans la revue Fertility and Sterility [sur abonnement], la fréquence de la malformation est de 0,2 % dans la population. Elle passe à 8,2 % chez les garçons issus “de grands-mères distilbène”.
Le DES, a rappelé le Pr Sultan, est “un modèle d’action des perturbateurs endocriniens“ chez l’animal et chez l’homme, ces substances chimiques qui peuvent interférer avec le fonctionnement des hormones. Or, a-t-il souligné, ces effets transgénérationnels ont été rapportés, chez l’animal, pour toutes les classes de perturbateurs endocriniens, dont les pesticides et le bisphénol A (composé chimique controversé utilisé dans la fabrication de plastiques alimentaires).
La question est de savoir si le bisphénol A et les autres perturbateurs endocriniens “ne risquent pas d’avoir un effet transgénérationnel“ chez l’homme, a conclu le scientifique. Il plaide pour le principe de précaution, à savoir “réduire de 100 % l’utilisation des pesticides et des polluants chimiques qui agissent en tant que perturbateurs endocriniens”.
Le petit-fils d’une femme ayant pris du Distilbène a obtenu jeudi 9 juin de la Cour d’appel de Versailles la reconnaissance d’un lien entre ce médicament et son handicap a indiqué son avocate. Le laboratoire UCB Pharma devra lui verser quelque 1,7 million d’euros de dommages et intérêts.
“La cour a considéré que l’exposition au Distilbène de la mère est responsable de l’accouchement très prématuré, qui lui-même explique de façon directe le handicap majeur dont souffre Louis”, a déclaré devant la presse Me Martine Verdier après avoir pris connaissance de l’arrêt de la cour d’appel.
La Cour devait se prononcer sur le cas de deux enfants, nés grands prématurés en 1990 pour l’un et en 1995 pour l’autre, qui présentent aujourd’hui des handicaps lourds alors que leurs grand-mères s’étaient vu prescrire du Distilbène pendant leur grossesse. Leur famille avait obtenu en 2009 quelque deux millions d’euros de dommages et intérêts devant le tribunal de Nanterre, qui avait reconnu la responsabilité du laboratoire. UCB Pharma avait alors interjeté appel, estimant par la voix de son avocat, Me Ivan Terel, que “le lien de causalité est indirect et éloigné et d’autres facteurs peuvent être à l’origine de l’état de santé des deux enfants”.