L’utilisation des nanomatériaux, en particulier le dioxyde de titane, est en plein développement dans le domaine de la santé. Olivier Toma, président du Comité pour le développement durable en santé (C2DS), tire le signal d’alarme sur les risques associés.
Nous relayons pour ce faire une interview du C2 DS présentée dans Actu-Environnement
En quoi l’utilisation du dioxyde de titane nanoparticulaire pose-t-elle problème ?
Olivier Toma : Le dioxyde de titane (TiO2) est utilisé de plus en plus fréquemment dans les matériaux de construction et de rénovation des établissements de santé. Les pouvoirs publics finissent de dépenser actuellement une enveloppe de 10 milliards d’euros dans la rénovation hospitalière dans le cadre du plan hôpital 2012. Or, aucune garantie n’est apportée quant à l’innocuité des matériaux utilisés. Les fournisseurs inondent le marché de matériaux contenant du TiO2 en mettant en avant son action photo-catalytique qui permettrait de détruire les germes. Ils n’hésitent pas à utiliser des allégations commerciales du type “matériaux auto-nettoyants” ou “entretien néant”. L’industrie ne doit pas se servir de blouses blanches pour diffuser des produits dont on n’a pas la preuve absolue de leur innocuité. Aucune étude scientifique ne démontre la photocatalyse en secteur hospitalier et apporte la preuve de l’asepsie du TiO2.
AE : Que préconisez-vous ?
OT : Il faut que le ministère de la Santé fasse réaliser des tests sur la photocatalyse et vérifie les allégations sanitaires des fournisseurs. Nous ne souhaitons pas revenir à l’âge de pierre. Les nanotechnologies sont des procédés d’avenir mais il est nécessaire de définir les besoins et d’analyser les impacts écologiques et sanitaires. Si une étude sérieuse montre l’intérêt de ces particules, en particulier pour maîtriser la qualité de l’air dans des atmosphères stériles comme les blocs-opératoires, nous ne demandons qu’à la suivre. En revanche, leur utilisation dans les peintures des couloirs ou des salles d’attente est totalement inutile. Les infections nosocomiales ne viennent pas des murs.
AE : Pas de preuve de l’efficacité du TiO2, en revanche, des risques avérés ?
OT : On ne connaît pas réellement l’impact des nanoparticules sur la santé humaine. Mais le dioxyde de titane sous forme nanoparticulaire est classé cancérigène possible pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer. L’Afssaps recommande de ne pas utiliser de crèmes solaires contenant du TiO2sur… les coups de soleil, sur le visage ou dans des locaux fermés lorsque ces crèmes sont conditionnées sous forme de sprays. Une étude toute récente du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) montre que les nanoparticules de TiO2 contenues dans les crèmes solaires sont capables d’altérer la barrière hémato-encéphalique. Quelle toxicité attendre des matériaux de construction s’il faut craindre des cosmétiques en spray dans des locaux fermés ?
AE : Les utilisateurs sont-ils informés de ces risques ?
OT : Pas du tout. L’obligation d’étiquetage prévue par le Grenelle 2 n’est pas encore en place. Quant aux utilisateurs professionnels, les mentions sur les fiches de données de sécurité (FDS) ou les fiches de déclarations environnementales et sanitaires (FDES) des matériaux de construction sont laissées au bon vouloir de fabricants. Ces fiches devraient être contrôlées par une autorité sanitaire.
AE : Doit-on craindre aussi des risques pour l’environnement ?
OT : Les risques du TiO2 sont identifiés par la réglementation sur les déchets. Tous les déchets de bâtiments comportant ces particules devront être traités comme des déchets dangereux avec le surcoût que cela induit. Ce surcoût doit être intégré dans les décisions d’achat des établissements de santé. Il ne faut pas que les politiques d’achat soient dictées par les industriels.
AE : Y-a-t-il également des risques pour l’eau ?
Un risque de pollution de l’environnement existe à travers l’abandon de déchets contenant des nanoparticules, la contamination des nappes phréatiques et, par conséquent, l’eau destinée à la consommation humaine.
AE : Peut-on remédier à cela ?
OT : En France, on réagit au dernier moment, quand il est trop tard. Voyez le scandale de l’amiante ou du Mediator. Mais il est encore temps de faire autrement avec les nanoparticules. A défaut, on s’expose à des risques majeurs dans 20 ans, même si on ne sera pas forcément capable de faire le rapprochement.
AE : Comment agir ?
OT : Une seule solution : limiter l’exposition au risque. Il faut absolument que les nanoparticules fassent l’objet d’autorisations de mises sur le marché. Le principe de précaution doit être mis en œuvre. Les professionnels travaillant dans les établissements de santé doivent également recevoir des formations en toxicologie. Ce sont, à mon sens, les personnels les plus exposés. Mais il faut veiller aussi aux professionnels travaillant à la fabrication des produits.
Propos recueillis par Laurent Radisson
Source Actu-Environnement