Commercialisé depuis une cinquantaine d’années, le chlorpyriphos est l’un des pesticides les plus utilisés au monde. Le chlorpyriphos-éthyl entre dans la composition de plusieurs insecticides utilisés par les agriculteurs pour lutter contre les chenilles, notamment dans les vignes et les vergers. Il est soupçonné d’être à l’origine de perturbations hormonales, selon des études américaines.Il est aussi au centre d’une énigme tenace : la majorité des agences réglementaires le considèrent comme pas ou peu toxique pour le développement du cerveau, alors que de nombreuses études indépendantes indiquent que les enfants les plus exposés in utero à cette substance voient certaines de leurs capacités cognitives réduites par rapport aux enfants les moins exposés.
De troublants travaux, publiés ce 16 novembre dans la revue Environmental Health, lèvent une part du voile sur ce hiatus: une étude inédite publiée vendredi « met à nu les failles du système d’évaluation réglementaire de la toxicité des substances »
Selon Philippe Grandjean (Harvard School of Public Health, Université du Danemark du Sud) et ses coauteurs, la raison est simple : l’étude de « neurotoxicité développementale » menée sur des rats et fournie à la fin des années 1990 par l’agrochimiste Dow aux autorités européennes et américaines, en vue de la ré-homologation du chlorpyriphos, contient d’importants biais qui en invalident les conclusions rassurantes.
Aux plus faibles doses d’exposition, la part relative de cette zone dans le cerveau des rats perd 8 % à 11 %. Et jusqu’à 14 % pour les plus fortes expositions. Ce que les chercheurs interprètent comme un « dommage sur l’architecture cérébrale pouvant avoir des conséquences durables sur l’ensemble de la vie ». Chez les humains, le cervelet est une région importante, associée au contrôle moteur, au langage, aux facultés d’attention, ou à la régulation de certaines émotions comme la peur ou le plaisir.