L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) a rendu, jeudi 2 juillet 2009, un avis et des recommandations sur cette question controversée : “quelle est l’importance du lien entre environnement et cancer ?”
Sortant des querelles de chiffres, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) a rendu un avis et des recommandations sur cette question controversée. L’Agence plaide pour une logique de précaution et demande que soit pris en compte le risque lié à l’ensemble des expositions, et non pas uniquement le danger avéré de telle ou telle substance.
Chiffres et controverses. Tandis que le plan national santé environnement (PNSE) 2004-2008 indiquait que de “7 % à 20 % des cancers seraient imputables à des facteurs environnementaux”, un groupe de travail de l’Académie de médecine et du Centre international de recherche sur le cancer affirmait en 2007 : “Le nombre de cancers liés à la pollution de l’eau, de l’air et de l’alimentation est faible en France. De l’ordre de 0,5 %, il pourrait atteindre 0,85 % si les effets de la pollution de l’air atmosphérique étaient confirmés.”
A l’inverse, le cancérologue Dominique Belpomme, avançait en 2004 qu’on pouvait “considérer que 80 % à 90 % des cancers sont causés par la dégradation de notre environnement”.
Progression inquiétante. Selon une expertise réalisée à la demande de l’Afsset par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l’incidence de la plupart des cancers a progressé en France entre 1978-2000. C’est le cas en particulier pour neuf localisations : lymphomes malins non hodgkiniens (ganglions), cancers de la peau, du côlon, du poumon, du foie, du rein, de la thyroïde, et surtout de la prostate et du sein.
Entre 1980 et 2005, l’incidence des cancers s’est accrue de 35 % pour les hommes et de 43 % pour les femmes. Une augmentation qui, selon les experts, ne s’explique pas seulement par la démographie et les progrès du dépistage.
Cancérogènes avérés ou possibles. Pour son nouvel avis, l’Afsset s’est appuyé sur ce rapport de l’Inserm consacré aux liens entre environnement et localisations cancéreuses les plus fréquentes. La plupart des cancers ont une origine multifactorielle.
Certains facteurs sont des cancérogènes avérés (tabac, alcool, vieillissement, certains aliments…) et, parmi les facteurs environnementaux, on retrouve aussi des cancérogènes avérés ou probables (amiante, radiations, métaux lourds, travail posté avec perturbation des rythmes biologiques…).
Pour d’autres facteurs, le caractère cancérogène est débattu (pollution atmosphérique, pesticides, solvants, champs électromagnétiques, etc.).
Agir et limiter les risques. “Il ne faut pas attendre d’avoir des certitudes pour agir”, résume le professeur Gérard Lasfargues, qui dirige les travaux d’expertise en santé environnement à l’Afsset. L’Agence recommande de renforcer les actions sur les agents dont le rôle cancérogène est encore débattu afin de réduire le plus possible les expositions.
“La priorité doit être accordée aux personnes cumulant des expositions professionnelles et environnementales, comme par exemple les intérimaires et les sous-traitants”, insiste le Pr Lasfargues.
L’Afsset souhaite sortir de l’approche binaire selon laquelle un agent est cancérogène (parce qu’il provoque des mutations génétiques) ou non. Selon elle, il faut privilégier les recherches visant à comprendre les mécanismes d’action et à élucider la toxicité d’une substance et ses interactions possibles avec d’autres agents.
“Nous pourrons améliorer les connaissances sur les expositions et les marqueurs d’exposition grâce notamment à des registres pour lesquels il est indispensable d’accroître les moyens”, souligne le Pr Lasfargues.
Enfin, l’Afsset estime indispensable de compléter l’épidémiologie – principale manière de rendre compte des effets cancérogènes des facteurs environnementaux – par d’autres disciplines : la toxicologie, mais aussi l'”expologie” ou l’étude des expositions à de faibles doses et à des âges sensibles de la vie, notamment in utero ou chez les personnes âgées.