La planète connait une expansion urbaine sans précédents et donc une augmentation potentielle de la population et pourtant on continue à faire disparaitre des terres agricoles indispensables à l’alimentation de ses habitants. C’est en fait une menace pour le secteur agricole certes mais aussi sur l’environnement, notre approvisionnement en denrées alimentaires et la paix sociale.
Christopher Bren d’Amour* (de l’Université de Berlin) et ses collègues ont voulu en avoir le cœur net. Couplant les projections d’expansion des métropoles aux cartographies de surfaces agricoles nationales, les chercheurs ont évalué l’ampleur de l’urbanisation des terres agricoles entre 2000 et 2030 soit un million d’hectares par an.
Selon leurs calculs, publiés dans la dernière édition des Pnas, ce sont près de 2% des terres agricoles qui sont appelées à disparaître sous le béton et le bitume avant 2030. Soit une trentaine de millions d’hectares : un peu plus de la superficie des terres agricoles françaises !
L’urbanisation galopante fait figure de grand responsable. Les villes devraient compter 5 milliards d’habitants, en 2030, contre 2,6 milliards au début du siècle. Il faut donc bâtir plus de logements, de bâtiments administratifs et commerciaux et d’infrastructures (routes, réseaux, etc.).
Bien sûr, l’amplitude du phénomène diffère selon les pays. Il sera particulièrement important en Asie et en Afrique. A elle seule, la Chine perdra le quart des terres mondiales concernées. Avec 2 millions d’hectares en sursis, le Nigeria pourrait voir la production de ses champs chuter de 16%.
Pour exemple en Egypte le problème s’accroit aussi . Certes, le Caire ou Alexandrie ne devraient engloutir ‘que’ 800.000 ha de terres cultivées, mais cette perte devrait réduire d’un tiers la production de céréales et de légumineuses. Une situation explosive pour un pays qui importe déjà 36% des céréales qu’il consomme et où 67 millions de personnes [1] bénéficient d’une carte donnant droit à des tarifs réduits pour les produits alimentaires de base.
Aux impacts environnementaux (perte de biodiversité, perturbation des cycles naturels, pollutions) et alimentaires s’ajoute la crainte du désordre social. Immanquablement, le bétonnage d’un million d’hectares de bonnes terres agricoles (les terres péri-urbaines ont souvent d’excellents rendements) annonce la disparition de millions de petites exploitations. Ces millions de nouveaux migrants iront grossir les bidonvilles et les quartiers défavorisés des villes. Une situation qui ressemble étrangement à celle qui a prévalu en Syrie, au début des années 2010.