Perturbation des dispositifs médicaux par les radiofréquences : des pratiques à adapter à chaque situation
L’expertise de l’Anses porte sur les dispositifs médicaux électriques et électroniques utilisés dans les services de soins hospitaliers, ainsi que sur les dispositifs médicaux implantables actifs (pacemaker, neurostimulateur, etc.) utilisés en dehors de ces services.
Le risque de perturbation électromagnétique de certains dispositifs médicaux, engendré par des téléphones mobiles, est discuté de longue date. L’usage de téléphones mobiles en tout lieu et à tout moment par une majorité de la population est une pratique courante, y compris par les professionnels de santé, les patients ou leurs familles. En pratique, les recommandations d’usage alertant sur les risques d’interférences des champs électromagnétiques émis par les téléphones mobiles avec les dispositifs médicaux apparaissent de moins en moins appliquées.
Dans ce contexte, les ministères chargés de la Santé et de l’Environnement ont demandé à l’Anses d’évaluer les risques potentiels de perturbation électromagnétique des dispositifs médicaux exposés à des radiofréquences.
Dans l’avis publié ce jour le 13 juin , l’Agence recommande la mise en place de zones d’usage autorisé, limité ou interdit, au vu de la diversité des situations d’usages des systèmes de communication sans-fil et des risques auxquels ils peuvent conduire. Par ailleurs, l’Agence recommande aux porteurs de dispositifs médicaux implantables actifs (pacemaker, neurostimulateur, etc.) de veiller à éloigner les sources d’exposition les plus fortes (téléphones mobiles).
L’utilisation des téléphones mobiles dans les hôpitaux fait l’objet d’une circulaire d’octobre 1995, qui alerte sur les risques d’interférences des champs électromagnétiques émis par les téléphones mobiles avec les dispositifs médicaux. Elle invite les établissements de santé à informer leur personnel et les patients de ce danger potentiel et insiste sur la nécessité d’éteindre son téléphone mobile dans les services de soin.
En 2003, une étude du comité d’évaluation et de diffusion des innovations technologiques (CEDIT), indiquait que les interférences causées par l’utilisation de téléphones mobiles ne perturberaient pas les dispositifs médicaux à une distance supérieure à 1,5 mètre et ne présenteraient pas de danger, sous réserve de certaines précautions à prendre pour les porteurs d’implants médicaux actifs. Ces conclusions ont parfois conduit à l’assouplissement des interdictions au sein de certains établissements de santé.
Parallèlement, l’usage des téléphones mobiles est devenu banal au sein des hôpitaux, que ce soit par les professionnels de santé, y compris pour certaines applications professionnelles (appels d’urgence, alarmes, …), les patients ou leurs familles. Les recommandations formulées sur les bases de la circulaire de 1995 apparaissent ainsi de moins en moins appliquées.
Le travail de l’Agence de sécurité sanitaire (ANSES)
Dans ce contexte, la Direction générale de la santé et la Direction générale de la prévention des risques ont saisi l’Anses afin qu’elle produise un avis sur les risques potentiels de perturbation électromagnétique des dispositifs médicaux exposés à des radiofréquences et propose le cas échéant des distances minimales de sécurité à respecter en fonction des différentes sensibilités des dispositifs médicaux.
Les sources de champs électromagnétiques considérées sont les systèmes de communication mobile des soignants, des patients et de leurs familles : téléphones mobiles, dispositifs Wi-Fi, Bluetooth, téléphones sans-fil DECT (Digital Enhanced Cordless Telephone) et talkies-walkies, notamment de type TETRA (Terrestrial Trunked Radio), technologies RFID (Radiofrequency Identification). Le téléphone mobile est la source d’exposition aux radiofréquences potentiellement la plus élevée, en intensité, parmi toutes les sources radioélectriques auxquelles la population est quotidiennement exposée.
Les recommandations de l’Agence
Compte tenu de l’extrême diversité à la fois des sources de champ électromagnétique (caractéristiques fréquentielles, de puissance, de signaux, etc.) et des dispositifs médicaux électroniques, mais aussi des situations d’exposition des dispositifs médicaux, il n’est pas possible de définir une règle unique concernant une distance minimale à respecter entre les dispositifs médicaux et les sources électromagnétiques, applicable à toutes les situations.
Dispositifs médicaux en milieu hospitalier
L’interdiction de l’usage des téléphones mobiles et autres objets communicants personnels dans les établissements de santé apparaît peu justifiée. La mise en place de zones d’usage autorisé, limité ou interdit est préconisée. La définition précise d’un tel zonage devrait relever de la responsabilité de chaque établissement hospitalier, avec l’appui de son responsable de la gestion des risques.
L’Agence recommande que les établissements de santé mettent en œuvre des mesures visant à minimiser les risques d’interférences avec les dispositifs médicaux :
- S’agissant des patients, visiteurs et personnels médicaux utilisant les téléphones mobiles pour des raisons personnelles : les téléphones mobiles devraient être éteints dans les lieux comportant des dispositifs électromédicaux à fonction critique ou servant au maintien de la vie (unités de soins intensifs, blocs opératoires, néonatalogie, services d’urgence, etc.), ainsi qu’à proximité des lits de patients connectés à des dispositifs électromédicaux ;
- S’agissant des personnels médicaux utilisant leur téléphone mobile pour des raisons professionnelles, les appels téléphoniques ne devraient pas être passés à proximité d’appareils électromédicaux.
Dans la mesure où l’usage des téléphones DECT engendre une exposition plus faible que les téléphones mobiles, l’Agence recommande aux professionnels médicaux de privilégier l’usage de ce moyen de communication.
Dispositifs médicaux implantables actifs
L’Agence recommande aux porteurs de dispositifs médicaux implantés actifs (implants cardiaques, stimulateurs cardiaques, etc.) de veiller à éloigner les sources d’exposition les plus fortes (téléphones mobiles) de leur dispositif. Ainsi, les recommandations figurant dans les livrets d’informations ou des notices d’utilisation doivent être appliquées, notamment concernant les distances à respecter en cas d’utilisation de téléphone mobile (ne pas mettre le téléphone dans une poche à proximité d’un implant, téléphoner avec l’oreille opposée, etc.) ou le passage sous des portiques de sécurité (antivol, aéroports).
Il conviendrait également de former les acteurs de la chaîne de soins (fabricants de matériels médicaux, professionnels de santé) afin qu’ils relaient ces messages auprès des patients et de leur entourage, et en particulier les précautions d’usage recommandées par les fabricants.
Enfin, l’Agence estime qu’au même titre que les praticiens hospitaliers, les professionnels de santé qui utilisent des électrostimulateurs (kinésithérapeutes par exemple) devraient bénéficier de formations leur permettant d’ analyser le bénéfice / risque pour les patients lié à la pratique de certains soins ou de diagnostic impliquant la mise en présence d’un dispositif médical implanté actif et d’un émetteur radiofréquences.