Nous relatons un article faisant le constat de ce que vivent les japonais de la province de Fukushima 2 ans aprés le tsunami qui provoqua un accident nucléaire sans précédent au Japon le 11 mars 2011.
Près de 160.000 personnes seraient toujours déplacées de la région de Fukushima.
Il est 14h46, le 11 mars 2011, quand un tremblement de terre de magnitude 9 secoue les côtes japonaises. Cinquante minutes plus tard, une gigantesque vague fracasse les installations de la centrale de Fukushima Daiichi (Nord-Est) et provoque l’une des pires catastrophes industrielles au monde.
Deux ans après l’accident, des milliers de personnes vivent toujours dans les zones sinistrées, quand d’autres ont choisi de fuir ou ont été contraintes d’évacuer le périmètre sinistré.
La confusion des mesures scientifiques
La difficulté des scientifiques à s’accorder sur le seuil de radiation dans la zone proche de la centrale a entraîné une véritable confusion au sein des populations: “Elles se retrouvent obligées de décider par elles-mêmes si elles peuvent rester ou si elles doivent partir”, explique Kurumi Sugita, chercheuse au CNRS et fondatrice de l’association de défense des sinistrés, “Nos voisins lointains 3.11”.
Dans les jours et les mois qui ont suivi la catastrophe, le gouvernement japonais et les scientifiques ont modifié les limites acceptables du taux de radiation. “Une exposition de 250 mSv [par an] a été autorisée pour les interventions en cours“, note le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). En France, le taux maximal est de 20mSv/an.
“Les populations ne font plus confiance au gouvernement ou aux autorités locales”, commente Reiko Hasegawa, chercheuse à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) et membre du projet Devast. Plusieurs initiatives ont d’ailleurs vu le jour quelques mois après l’accident: le Projet 47, fondé par le musicien japonais Wataru Iwata, tente de fournir des données fiables sur les taux de radiation, quand d’autres fondent des organisations pour venir directement en aide aux sinistrés.
Près de 160.000 déplacés
Au lendemain de la catastrophe, les Japonais vivant dans la zone interdite de 20km autour de la centrale ont été évacués en premier. Cette zone s’est par la suite étendue sous forme de “tâches de léopard” dans plusieurs régions, situées à des dizaines de kilomètres.
Les statistiques sur le nombre exact de déplacés sont rares, voire inexistantes. Mais deux ans après la catastrophe, Reiko Hasegawa estime que 160.000 personnes (dont 60.000 évacués volontaires) ont quitté la région de Fukushima. Un chiffre quasi similaire à celui de 2012: “Cela signifie que le retour n’a toujours pas été amorcé”, analyse la jeune chercheuse.
Les indemnisations des personnes déplacées varient entre 1000 et 4000 euros par mois environ. Elles se font au cas par cas, en fonction de la zone de résidence avant la catastrophe et selon qu’il s’agit d’un départ volontaire ou contraint. “En décembre 2012, les autorités de Fukushima ont clôturé les demandes de mise à disposition d’hébergements à destination des sinistrés, pour inciter les gens à rester chez eux“, indique Kurumi Sugita, du CNRS.
Stigmatisation des déplacés
Tous n’ont pas quitté la zone. Trop attachés à leur terre ou ne souhaitant pas abandonner leur bétail, des agriculteurs et éleveurs sont restés sur place. Ces derniers apprennent à vivre avec la peur des radiations.
En plus d’avoir tout perdu, ceux qui ont quitté la zone sont également stigmatisés. Certains n’osent même pas se déclarer comme des déplacés de Fukushima “de peur d’être perçus comme des lâches ou des traîtres qui ont abandonné leur terre”, note Reiko Hasegawa.
Les émissions radioactives sont considérées comme stables, depuis le mois de décembre 2011. Quotidiennement, près de 3000 travailleurs se font irradier pour démanteler la centrale. Une opération qui devrait durer près de 40 ans.