Communiqué INSERM sur les pertubateurs endocriniens pendant la grossesse

Communiqué de l’INSERM:

L’exposition des femmes enceintes à certains phénols pourrait perturber la croissance des garçons durant la période fœtale et les premières années de vie

Un consortium de recherche associant des équipes Inserm, les Centres Hospitalo-Universitaires de Nancy et Poitiers, le Center for Disease Controls and Prevention (CDC, Atlanta, USA), et coordonné par l’équipe d’épidémiologie environnementale de l’Inserm et de l’Université de Grenoble (Unité 823), vient de publier une étude épidémiologique montrant que l’exposition pendant la grossesse à certains phénols, notamment les parabènes et le triclosan, pourrait perturber la croissance des petits garçons durant la vie fœtale et les premières années de vie. Le bisphénol A n’était pas associé à une modification nette de la croissance. Ces résultats sont parus dans la revue Epidemiology datée de ce mois de septembre 2014.


Les femmes enceintes sont exposées à plusieurs composés très largement produits et présents dans notre environnement. C’est le cas des parabènes (utilisés comme conservateurs dans les cosmétiques et produits de soin), le triclosan (un pesticide antibactérien retrouvé dans certains dentifrices et savons), la benzophénone-3 (utilisée dans les produits de protection solaire comme filtre anti ultra-violet), les dichlorophénols (dont les précurseurs entrent dans la composition de désodorisants d’intérieur) ainsi que le bisphénol A (utilisé, entre autres, pour la fabrication de plastiques de type polycarbonate (bouteilles plastiques, CD…) et des résines époxy (revêtement intérieur des boîtes de conserve, amalgames dentaires)   [1].   Ces composés appartiennent à la famille des phénols et sont des perturbateurs endocriniens.

Des études expérimentales in vitro et chez l’animal ont mis en évidence que ces composés interagissent avec des systèmes hormonaux impliqués dans la croissance et le gain de poids.

L’étude s’est appuyée sur 520 petits garçons de la cohorte mère-enfant EDEN

mise en place par l’Inserm et soutenue, pour ce projet précis, par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Les femmes enceintes participant à cette cohorte ont été recrutées entre 2003 et 2006 dans les Centres Hospitalo-Universitaires de Nancy et Poitiers, avant la mise en place de la réglementation actuelle sur le bisphénol A. La croissance de leur enfant a été évaluée à l’aide des échographies pendant la grossesse ainsi que des mesures de poids et de tailles réalisées depuis la naissance jusqu’aux 3 ans de l’enfant. Un échantillon d’urine prélevé durant la grossesse a permis le dosage de biomarqueurs d’exposition aux phénols dans le Laboratoire de Santé Environnementale des CDC d’Atlanta en charge des campagnes de biosurveillance américaines.

Les résultats obtenus par Rémy Slama, Claire Philippat et leurs collègues montrent que plus de 95% des femmes enceintes étaient exposées à ces substances et que l’exposition maternelle à certains phénols pourrait perturber la croissance des petits garçons. En particulier, les chercheurs relèvent que les niveaux de triclosan étaient négativement associés aux paramètres de croissance mesurés à l’examen échographique du troisième trimestre de la grossesse et que les parabènes étaient associés à une augmentation du poids à la naissance et à trois ans.

imagesOn sait qu’une croissance accélérée dans les premières années de vie peut augmenter le risque d’obésité plus tard durant l’enfance. L’étude n’a pas identifié d’association claire entre les concentrations urinaires des autres phénols et la croissance pré- et post-natale des garçons. Le BPA, du fait de sa très grande variabilité dans les urines, n’a pas été quantifié avec précision dans cette étude reposant sur un unique prélèvement urinaire par femme.

Pour les chercheurs, « il s’agit de la première étude concernant ces contaminants environnementaux, qui s’appuie sur des données de croissance recueillies durant la grossesse, à la naissance et jusqu’à trois ans. Les études précédentes se concentraient sur une seule de ces périodes et étaient en général restreintes à l’étude du bisphénol A, sans inclure les autres phénols ».

Les équipes de recherche vont maintenant s’attacher à répliquer ces résultats au sein d’une nouvelle cohorte couple-enfant (la cohorte SEPAGES) pour laquelle de nombreux échantillons d’urine par participante (mère et nouveau-né) sont recueillis durant la grossesse et les premières années de vie de l’enfant. Cette approche permettra de limiter les erreurs de mesure de l’exposition et d’identifier de potentielles périodes de plus grande influence des phénols sur la croissance des enfants durant leur enfance. Les petites filles, dont la sensibilité aux phénols pourrait différer de celle des garçons, seront aussi considérées dans cette nouvelle cohorte couple-enfants.


[1] L’utilisation du bisphenol A dans les conditionnements à usage alimentaire pour les nourrissons et enfants en bas âge, a été interdite en 2013. Cette interdiction devrait s’appliquer à tous les conditionnements à usage alimentaire au 1er janvier 2015.