Tous les articles par Jacqueline Collard

20 ans après AZF, où est la prise de conscience des risques industriels ?

La première législation concernant les établissements industriels insalubres et dangereux, date de 1810 avec un  décret napoléonien à propos d’un  monde qui voyait croitre  les pollutions, la régulation publique était alors conçue pour protéger les industriels, sécuriser leur capital productif et leur éviter des poursuites pénales en les mettant sous la surveillance d’une administration bienveillante.

Seveso en 1976: commune italienne victime en juillet 1976 d’un accident technologique. Un nuage d’herbicide contenant des produits toxiques s’échappe d’une usine chimique et contamine les alentours.

directive européenne de 1982 : zone à risques pour les entreprise dites Seveso, Le 24 juin 1982, la directive 82/501/CEE demande aux États et aux entreprises d’identifier les risques associés aux activités industrielles dangereuses, d’organiser la prévention et de prendre des mesures pour y faire face.

Les établissements industriels sont classés « Seveso » selon leur aléa technologique en fonction des quantités et des types de produits dangereux qu’ils accueillent. Il existe ainsi deux seuils différents classant les établissements en « Seveso seuil bas » ou en « Seveso seuil haut ».Directive 96/82/CE, dite « directive sévéso 2 »

                         Directive Seveso 3 »; (4 juillet 2012)

21 septembre 2001: 300 tonnes de nitrate d’ammonium stockées dans un hangar du complexe chimique d’AZF, à cinq km du centre-ville de Toulouse, explosent, provoquant une onde sismique de 3,4 sur l’échelle de Richter; cette  catastrophe d’AZF s’est soldée par 18 années de bataille judiciaire.

Cependant cela a conduit l’Etat à proposer  l’adoption de la loi Bachelot (30 juillet 2003) sur la prévention des risques technologiques Cette loi prévoit notamment la mise en place de plans de prévention des risques technologiques (PPRT) autour des sites à risques classés Seveso..En 2013, à peine la moitié des 390 PPRT étaient approuvés. En 2020, 5 étaient toujours en voie de finalisation. La raison de cette lenteur invoquée par le ministère réside notamment dans la lenteur des procédures d’expropriation: il y a 20 ans donc .

Environ 30.000 logements au niveau national, dont 25.000 logements privés et 5.000 logements sociaux, sont concernés par des PPRT impliquant des travaux d’ici fin 2016, a rappelé le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) dans un rapport publié en octobre 2014

 L’incendie de l’usine de Lubrizol en 2019 à Rouen va sonner comme rappel à l’ordre pour les pouvoirs publics et ainsi compléter l’arsenal législatif.

Au  mois de février 2020. installation d’un plan de prévention et de gestion des risques industriels,: Les installations classées font l’objet d’une réglementation plus protectrice depuis septembre 2020.

La base de données ARIA recense chaque année tous les événements portés à la connaissance du bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (BARPI(nouvelle fenêtre)). Cette base de données vise à tirer le retour d’expérience des incidents et accidents survenus. Chaque année, un inventaire est publié qui dégage les grandes tendances de l’année passée. L’inventaire des accidents technologiques survenus en 2020(nouvelle fenêtre) porte sur 1 417 événements enregistrés au 1er avril 2021.

La loi Climat et Résilience (LOI n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (1) NOR : TREX2100379L) crée deux délits.

Un délit de mise en danger de l’environnement en cas de mise en danger grave et durable (sur au moins sept ans) de l’environnement (faune, flore et qualité des sols), puni cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende. Un montant qui peut être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

De ce fait, les réponses institutionnelles au risque industriel sont restées principalement techniques. Certes, les rapports parlementaires post-Lubrizol de 2020 ont montré la faiblesse de l’inspection face à des rythmes industriels mettant l’action publique au pied du mur, et l’accroissement des risques industriels soumis de plus en plus à de la sous traitance, alors que les rapports de l’Organisation mondiale de la santé alertent depuis longtemps sur les effets néfastes de la pollution sur la santé publique.

https://www.vie-publique.fr/eclairage/274283-la-prevention-des-risques-industriels-un-etat-des-lieux

Des négociations en cours pour la limitation des plastiques

Des mesures d’encadrement de cette production effrénée de plastiques est en cours : c’est heureux, sachant qu’on envisage encore la croissance de la production en particulier de déchets , annoncée comme pouvant  tripler par rapport à celle de 2019, selon un rapport de l’OCDE.

Ainsi depuis début mars l’ONU  ont  débuté des négociations pour un traité mondial contre la pollution plastique. En effet de nombreuses études scientifiques montrent la présence de microplastiques partout sur le globe, des pôles aux plus hauts sommets, sans oublier dans le corps des animaux que dans celui des humains, menaçant partout les écosystèmes et donc la biodiversité.

Si ces molécules ont été pendant longtemps présentées comme le symbole de la modernité par leur praticité, désormais elles sont plutôt rangées au titre de pollutions notoires, dont il va falloir savoir se passer compte tenu de leurs durées de vie  infinies, même aux fonds des abimes océaniques.

Alors que le 30 janvier 2020 , le Parlement  avait  définitivement adopté la loi contre le gaspillage qui devait fixer à 100 % l’objectif de plastique recyclé d’ici à 2025, la France reste un mauvais élève du recyclage des  plastiques, le principal plastique recyclé étant le PET des bouteilles d’eau , ceci reprise par Nathalie Gontard, directrice de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) de Montpellier, qui ajoutait « un objectif 100 % recyclage » est « impossible à atteindre » dans l’immédiat et ne répond pas à l’urgence de la situation. Le « vrai » recyclage, au sens de l’économie circulaire, signifie qu’un déchet redevient sa matière d’origine, intacte, or ce processus ne fonctionne pas pour les plastiques. Seul ce qu’il conviendrait plutôt d’appeler un « décyclage » est possible cad une réutilisation à d’autres fins.

Et d’ ailleurs la solution du recyclage laisse beaucoup d’interrogations en suspends: d’ailleurs les opinions de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) démontrent que la sécurité des consommateurs vis-à-vis du PET, recyclé grâce aux technologies autorisées, est assurée pour un cycle unique de recyclage. L’état des connaissances ne permet donc pas de dire avec certitude que le PET recyclé plusieurs fois ne présentera pas de risques pour le consommateur.

Le WWF nous alerte, étude à la clé, que le plastique coute jusqu’à 10 fois plus cher à son élimination qu’à sa production, d’autant si on intègre les couts environnementaux, ses impacts climatiques de part son origine à base de produits pétroliers.

Affaire à suivre!

https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/nouveau-rapport-wwf-cout-reel-du-plastique-10-fois-plus-eleve-que-cout-production

Inquiétant déclin de la fertilité humaine avec les facteurs environnementaux comme évidence

Une étude publiée ce jeudi 9 juin par la revue Environment International, conduite par Andreas Kortenkamp (université Brunel de Londres) et Hanne Frederiksen (Rigshospitalet, université de Copenhague), présentent la première évaluation des risques, vis-à-vis de la fertilité masculine, des mélanges de polluants du quotidien.

Cette baisse de la fertilité masculine est un phénomène identifié depuis une trentaine d’années.« Depuis trente ans, de très nombreuses études ont été faites à travers le monde pour mesurer les caractéristiques du sperme humain, explique Pierre Jouannet, professeur émérite à l’université Paris-Descartes, l’un des grands pionniers de ce domaine de recherche. « Les plus sérieuses d’entre elles montrent un déclin de la qualité du sperme surtout dans les pays les plus économiquement développés » …. » Une variété de facteurs – alimentation, tabagisme, stress, et l’ exposition à certains produits chimiques courants, est suspectée d’être en cause ».

Pour limiter cette tendance, identifier le poids relatif des différents facteurs de ce déclin est crucial. « Déterminer le rôle de produits chimiques est particulièrement difficile à apprécier, précise M. Jouannet. En effet, en dehors d’expositions massives accidentelles, l’être humain n’est généralement exposé qu’à de faibles doses de très nombreux produits chimiques, et on ne sait pas si la combinaison d’action de tous ces produits exacerbe ou non leurs éventuels effets individuels. » Or les travaux tout juste publiés des chercheurs danois et britanniques « sont particulièrement intéressants pour répondre à ces questions », ajoute-t-il bien  qui n’ait pas participé à cette étude.

Et pourtant pour chacune de ces vingt-neuf molécules étudiées : plastifiants, polluants organiques de l’environnement, pesticides, médicaments, ignifuges, etc., les auteurs ont relevé, dans la littérature disponible, les niveaux d’exposition acceptables,  à partir desquelles des  prélèvements d’échantillons urinaires sur une centaine de volontaires danois et des études européennes de biosurveillance disponibles, les chercheurs  ont estimé l’exposition de la population à ces vingt-neuf perturbateurs endocriniens. L’exposition de la population, en particulier à travers l’alimentation et l’eau, est généralisée. Les phtalates, notamment utilisés pour conférer de la souplesse aux matières plastiques, sont également ubiquitaires. Les dioxines, elles, sont pour une part issues de la combustion des déchets : elles imprègnent l’environnement puis passent dans la chaîne alimentaire en s’accumulant dans les graisses animales.

M. Kortenkamp explique « Nous avons ensuite rapporté l’exposition estimée de la population pour chaque substance au niveau auquel des effets ne se produisent plus,  ce que nous montrons est que l’exposition combinée à ce grand nombre de produits excède largement ce seuil de sécurité. Nous parlons d’une exposition médiane qui excède d’un facteur 20 l’exposition acceptable. Les individus de notre échantillon les plus exposés sont jusqu’à 100 fois au-delà de ce seuil. C’est considérable. » C’est l’omniprésence du plastique qui est en cause dans de nombreux cas dont les Bisphénols, BPAmajoritaire, sans oublier les dioxines, les phtalates et le paracétamol et leurs effets combinés entre autres .

Rappelons dans la cadre de cette baisse de fertilité masculine l’alerte après la publication de l’étude de Shanna Swan en 2017 (université de New York)  publiée dans la revue Human Reproduction Update, qui indiquait que la concentration moyenne de spermatozoïdes de l’homme occidental était passée de 99 millions à 47 millions de spermatozoïdes par millilitre entre 1973 et 2011. Soit une chute de 50 % à 60 % en moins de quarante ans. Tout comme l’étude du Lancet de  chercheurs américains de l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME, institut de statistiques médicales rattaché à l’université de l’Etat de Washington, à Seattle) qui  anticipaient une baisse importante de la fécondité dans la seconde moitié du XXIe siècle. Et la chute persiste sans que des décisions draconiennes à propos des perturbateurs endocriniens ne soient prises à la hauteur des enjeux.

Compléments :

Human Reproduction Update, Volume 23, Issue 6, November-December 2017,

https://academic.oup.com/humupd/article/23/6/646/4035689

https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30677-2/fulltext

et donc la dernière étude publiée :

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412022002495?via%3Dihub

Encore des preuves scientifiques sur le caractère cancérogène de formulations contenant du glyphosate

Glyphosate et cancer : des preuves scientifiques rejetées

Le 8 juin 2022

Un rapport de HEAL publié aujourd’hui montre que les preuves scientifiques prouvant que le glyphosate est cancérigène ont jusqu’à présent été rejetées dans l’évaluation scientifique de l’UE. Pourtant c’est cette évaluation qui constituera la base de la discussion sur sa ré-autorisation dans l’UE [1]. Les graves lacunes scientifiques et les distorsions dans l’interprétation des normes scientifiques européennes et internationales mises en évidence dans ce rapport remettent également en question la validité de l’évaluation et de ses conclusions préliminaires.

Alors que les institutions européennes et les États membres ont entamé le processus de réévaluation du glyphosate en vue d’un éventuel renouvellement, la Health and Environment Alliance (HEAL) a examiné de près les 11 études animales fournies par les industriels en 2019 dans le cadre du dossier de demande de ré-approbation de la substance. En collaboration avec deux experts renommés, HEAL a découvert la survenue de tumeurs statistiquement significatives, ce qui confirme clairement la classification du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) du glyphosate comme « cancérigène probable » [2].

Selon la législation de l’UE sur les pesticides [3], les substances qui répondent aux critères de classification comme cancérogènes présumés pour la santé humaine (catégorie 1B dans l’UE) doivent être retirées du marché de l’UE.

Néanmoins, le groupe d’évaluation du glyphosate (l’AGG) et le comité d’évaluation des risques (RAC) de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ont déclaré publiquement qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves que le glyphosate cause le cancer [4]. Toutes les indications d’incohérences scientifiques avancées par HEAL avec des scientifiques indépendants et d’autres groupes de la société civile lors des discussions du RAC de l’-ECHA ont jusqu’à présent été complètement rejetées [5].

1 –Le rapport de HEAL est téléchargeable ici :   https://www.env-health.org/wp-content/uploads/2022/06/HEAL-How-the-EU-risks-greenlighting-a-pesticide-linked-to-cancer-2022.pdf

2 – https://www.iarc.who.int/featured-news/media-centre-iarc-news-glyphosate/

3 – Regulation (EC) No 1107/2009 of the European Parliament and of the Council of 21 October 2009 concerning the placing of plant protection products on the market and repealing Council Directives 79/117/EEC and 91/414/EEC; Annex II, section 3.6 ‘Impact on human health’; https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:32009R1107

4 – https://www.env-health.org/ominous-first-step-in-eu-renewal-process-of-glyphosate-4-member-states-suggest-no-risk-for-human-health-heal-comment/

5 – https://www.env-health.org/health-and-environmental-groups-raise-alarms-over-eu-chemicals-agencys-failure-to-classify-glyphosate-as-a-carcinogen-for-human-health/

Pour rappel Générations Futures avait  également publié un rapport sur la génotoxicité du glyphosate. Ce travail mené par des scientifiques démontre que de nombreuses études atteste que le glyphosate provoque des effets génotoxiques et mutagènes et que celles-ci ont été ignorées par les autorités. Il en est de même pour les études mécanistiques démontrant un effet de stress oxydant du glyphosate. Pourtant, la répétition de ces études positives et les conclusions des agences de recherche reconnues internationalement auraient dû donner le signal d’alerte aux autorités pour ré-évaluer la fiabilité des études fournies par les industriels et demander des études complémentaires, notamment sur des tests permettant de varier les cellules étudiées ou des tests sur cellules germinales, nécessaires pour la classification en catégorie 1.

Au lieu de cela, les autorités n’ont fait que reprendre les arguments déjà indiqués par les autorités allemandes en charge de la rédaction du dossier de renouvellement en 2016, arguments largement issus du dossier soumis par les industriels eux-mêmes. Cette évaluation biaisée de la génotoxicité se répercute grandement sur l’évaluation de la cancérogénicité du glyphosate. Lire le rapport.

Un rapport demandé par le Ministère de la recherche au climatologue Jean Jouzel, fort peu médiatisé

Un rapport demandé par le Ministère de la recherche au climatologue Jean Jouzel a été présenté fin mars un rapport visant à mieux intégrer les enjeux écologiques dans l’enseignement supérieur. Le document, remis à la ministre Frédérique Vidal, n’a semble-t-il pas eu la médiatisation qu’il méritait et pourtant les enjeux climatiques s’avèrent chaque jour plus importants. Ce document d’une centaine de pages préconise notamment de former aux enjeux de transition écologique 100 % des étudiants de niveau Bac+2, quel que soit leur cursus, d’ici cinq ans.

Son titre « Sensibiliser et former aux enjeux de la transition écologique et du développement durable dans l’enseignement supérieur ». Les préconisations de ce groupe sont destinées à accompagner les opérateurs de l’enseignement supérieur dans la mise en œuvre opérationnelle de ce défi primordial pour la société.

Six actions essentielles ont été identifiées pour atteindre les objectifs : Toutes les formations de l’enseignement supérieur devront évoluer. Après la publication du rapport Jouzel, les organisations étudiantes attendent des actes. Les organisations étudiantes appellent le gouvernement, mais aussi les établissements, « à suivre une stratégie opérationnelle d’accompagnement et de financement de la transformation pédagogique et organisationnelle pour toutes les formations ».

Le niveau Bac+2 sera privilégié, avec quatre problématiques à aborder prioritairement :
1. les impacts sur l’environnement à l’échelle planétaire,
2. à l’échelle locale,
3. les enjeux de société et de gouvernance,
4. le passage à l’action.

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