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I/ Synthèse.
Depuis 1964, la protection des captages d’eau potable vis-à-vis des pollutions ponctuelles ou accidentelles est obligatoire par DUP [1], sur l’initiative de la collectivité, maître d’ouvrage. Pourtant, aujourd’hui, 45 ans plus tard, 40% des captages ne sont toujours pas protégés en Rhône-Alpes, en particulier dans les départements de l’Isère et de l’Ardèche. Ces périmètres de protection sont peu efficaces contre les pollutions diffuses (nitrates, pesticides, polluants industriels tels les solvants ou les PCB, …) qui exigent la prise en compte de l’ensemble du Bassin d’alimentation du captage (BAC) [2].
De ce fait, le SDAGE [3] Rhône-Méditerranée, (proposé par le Bassin Rhône-Méditerranée Corse dont notre région dépend), et ensuite le Grenelle de l’Environnement ont identifié des captages prioritaires déjà impactés par les pollutions diffuses nitrates et/ou pesticides. Au total, 61 captages prioritaires SDAGE (dont 4 sur le bassin Loire-Bretagne) dont 38 « Grenelle » ont été identifiés sur 5700 captages répertoriés en Rhône-Alpes, où des programmes de réduction des pollutions diffuses nitrates et/ou pesticides sont à mener d’ici 2012 et 2015. Nous pourrions en conclure que nous polluons peu : 61 sur 5700 = 1% !
Malheureusement, de nombreux autres captages qui n’on été identifiés ni par le SDAGE ni par le Grenelle sont aussi pollués par les pesticides et les nitrates, et mériteraient la mise en place de mesures de protection. Mais la priorité est aux gros captages et ceux très pollués… Une file d’attente a ainsi été instaurée. Pas tous à la fois, mieux vaut être dans les premiers ! Et encore l’administration n’est pas sûre de pouvoir tenir les délais. Et les collectivités s’investissent t-elles réellement sur le sujet ?
De plus, la qualité bactériologique reste un enjeu sanitaire majeur de l’eau. En 2008, plus de 20% de la population du département de la Savoie a été desservie, au moins une fois dans l’année, par une eau non-conforme pour les paramètres bactériologiques. A titre d’exemple, une épidémie de gastro-entérite liée à l’eau potable s’est propagée dans une commune [4] de l’Isère en 2010. Pourtant, cet enjeu n’est affiché nulle part comme priorité.
De même, les pollutions industrielles ne sont pas prises en compte dans les divers plans et programmes.
La FRAPNA et SERA demandent la protection de tous les captages petits et grands, vis-à-vis des pollutions ponctuelles, et la réduction des pollutions diffuses affectant des captages d’eau potable. Seule une action préventive permettra de préserver la santé des générations futures et d’éviter des traitements onéreux des eaux avant distribution, ou encore de rechercher toujours de nouvelles sources d’approvisionnement. SERA rappelle que des études mettent en évidence les impacts sanitaires des polluants qui peuvent être encore présents dans les eaux de consommation, et qui, même à faibles doses, peuvent avoir des effets sur la santé et tout particulièrement sur celle des personnes fragiles (femmes enceintes et nourrissons par exemple).
De manière urgente, les pratiques agricoles doivent être orientées vers l’agriculture biologique (production sans pesticides chimiques) sur les bassins d’alimentation des captages, en aidant la profession à la reconversion pour enfin sortir du modèle intensif et polluant mis en place par la PAC. De même l’élimination des émissions industrielles directes ou indirectes de polluants rémanents (dioxines, solvants, mercure …) doit être entreprise avec vigueur. Les communes doivent pouvoir se doter de réseaux d’adduction d’eau potable de qualité et en suivre le maintien et le renouvellement. La mutualisation des moyens (intercommunalité) peut-être une solution. La protection de la nature sauvage et de la qualité des milieux est aussi une des solutions car les zones humides et la végétation naturelle le long des cours d’eau jouent un rôle important d’épuration. Le respect des équilibres naturels et de la biodiversité constitue au final la meilleure des garanties de la qualité de l’eau que nous buvons,
Toutes les barrières aux polluants divers doivent être déployées pour garantir la qualité de l’eau et la diminution des effets nocifs d’une eau de mauvaise qualité. Les captages doivent faire l’objet d’une surveillance accrue et la transparence vis-à-vis de la population doit être scrupuleusement respectée autant par la diffusion des analyses de routines qu’en temps de crise.
Boire de l’eau du robinet est conseillé en se renseignant sur sa qualité. Ce choix reste écologiquement et économiquement plus viable que de boire de l’eau en bouteille.
[1] Arrêté préfectoral portant déclaration d’utilité publique (DUP) : cet arrêté préfectoral précise la délimitation des périmètres de protection du captage d’eau potable ainsi que les prescriptions et servitudes afférentes (entretien des ouvrages et des périmètres immédiats, utilisation des sols des périmètres rapprochés et immédiats, interdictions…). Ces servitudes sont annexées au Plan local d’urbanisme (PLU). Les travaux éventuellement prescrits sont réalisés à l’initiative de la collectivité. La personne responsable de la production ou de distribution d’eau est tenue de vérifier régulièrement les mesures prises pour assurer la protection de la ressource.
[2] Bassin d’alimentation de Captages (BAC) ou Aires d’Alimentation de Captages (AAC) : correspond à la zone en surface sur laquelle l’eau qui s’infiltre ou ruisselle, alimente le captage.
[3] Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux : Document de planification pour l’eau et les milieux aquatiques à l’échelle du bassin, le SDAGE Rhône-Méditerranée 2010-2015 est entré en vigueur le 17 décembre 2009. Il fixe pour une période de 6 ans les orientations fondamentales d’une gestion équilibrée de la ressource en eau et intègre les obligations définies par la directive européenne sur l’eau, ainsi que les orientations du Grenelle de l’environnement pour un bon état des eaux d’ici 2015.
[4] Il s’agit de la commune d’Apprieu. Pour davantage de détail voir page 14.