Tous les articles par Jacqueline Collard

Le crime environnemental enfin reconnu ?

Un comité d’experts commissionné par l’association Stop Ecocide a rendu fin juin une définition du crime d’écocide, après six mois de travaux, la cour pénale internationale par l’intermédiaire de juristes spécialistes du droit pénal international et du droit de l’environnement, a publié le 22 juin une définition juridique de l’écocide, avec pour objectif, d’amender le Statut de Rome de la Cour pénale Internationale, qui définit les crimes internationaux .

L’objectif est donc d’ajouter les atteintes à l’environnement aux côtés du crime de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et du crime d’agression. L’inscription de l’écocide dans le droit international permettrait que les auteurs soient traduits en justice devant la Cour pénale internationale ou dans toute juridiction qui l’a ratifiée. »

À l’issue de longues négociations, la Commission, le Conseil et le Parlement européen se sont entendus jeudi 16 novembre sur un compromis de directive qui inscrit la criminalité environnementale dans le droit pénal européen.Si la directive révisée sur la protection de l’environnement par le droit pénal ne cite pas directement le crime d’écocide, elle introduit une infraction dite « qualifiée » qui vise à incriminer les atteintes les plus graves à l’environnement en se référant à la définition d’écocide retenue par les experts de la Fondation Stop Ecocide.

« Pollutions étendues, accidents industriels ou feux de forêt massifs, sont couverts par l’infraction qualifiée de façon comparable au crime d’écocide tel que débattu dans le droit international », précise ainsi le texte.

Reste à le faire ratifier par les différents Etats , l’affaire n’est donc pas terminée !

Le glyphosate reconduit : à quoi donc servent les études indépendantes ?

Les polémiques autour du glyphosate durent depuis de nombreuses années. Emmanuel Macron avait promis dès 2017 de l’interdire « au plus tard » en 2021, avant de revenir sur son engagement .

Le glyphosate est un herbicide non sélectif pulvérisé chaque année sur des millions d’hectares de cultures. Depuis sa première commercialisation en 1974, cette molécule de synthèse a accompagné le développement de l’agriculture intensive. Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) l’avait classé cancérogène probable dès 2015,et cependant les agences sanitaires semblent désormais l’ignorer!

Les c8onclusions de l’Inrae et de l’Ifremer, instituts de recherche publics spécialistes de l’agriculture et de la mer, ont souligné la réalité de la contamination de l’environnement par les pesticides, et l’impact négatif sur la biodiversité et les écosystèmes. Leur méta-analyse avait mobilisé pendant deux ans une quarantaine d’experts qui avaient passé en revue quelque 4.000 études scientifiques déjà publiées,« et plus de 626 000 citoyens réunis autour de plus de 30 organisations de la société civile demandaient à la France de s’y opposer clairement ».

Le Gouvernement avait  engagé à travers les « plans ECOPhyto » des plans d’actions global pour la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires avec un objectif de -25% en 2020 et -50% en 2025,et pourtant la quantité de produits phytosanitaires utilisés continuent à augmenter!

Malgré cela les défenseurs du glyphosate disent que si l’on utilise ce produit en suivant bien le mode d’emploi, les consignes, alors il n’y a pas de danger prouvé…mais  surtout pointant soi disant l’absence de produits alternatifs.

Ce jeudi 16 novembre 2023, les États membres de l’UE se sont réunis une dernière fois pour voter le sort de l’herbicide glyphosate au sein de l’UE. De nouveau, ces derniers ne sont pas parvenus à exprimer un vote à la majorité qualifiée. Faute d’accord entre les États membres, la Commission est la dernière décisionnaire. Cette dernière « va ainsi procéder au renouvellement de l’approbation du glyphosate pour une période de dix ans, sous réserve de certaines nouvelles conditions et restrictions » avant le 15 décembre 2023. La Commission européenne a ainsi donné son feu vert à la prolongation de l’autorisation du glyphosate pour dix ans. La France s’est abstenue, et le ministre de la Transition écologique s’en est expliqué:« Ce vote ne va rien changer pour nous, la France va continuer à interdire des usages du glyphosate et à restreindre son utilisation », a affirmé le ministre de la Transition écologique. Nous verrons !

L’Anses établit un lien entre exposition au formaldéhyde et les leucémies

Le formaldéhyde est  une substance très largement utilisée dans des produits quotidiens et de ce fait dans les métiers qui les produisent comme dans l’industrie du bois, du textile ou encore du caoutchouc. Il a été classé comme substance cancérogène par différents organismes européens ou internationaux, en relation notamment avec le cancer du nasopharynx.

 C’est ainsi que sont particulièrement concernés les travailleurs des secteurs suivants: le secteur des soins de santé (fixation au formaldéhyde), les travaux de charpente, la fabrication de placage et de panneaux de bois et de meubles à partir de ces panneaux, mais aussi pour les services funéraires.

L’Anses met en évidence dans son expertise, une importante liste de professions et de travaux exposant des travailleurs à cette substance. Elle conclut à un lien de causalité avéré entre l’exposition professionnelle au formaldéhyde et les leucémies myéloïdes. Cette conclusion constitue un argument fort en faveur de la création de tableaux de maladie professionnelle dans les régimes agricole et général, qui faciliteraient ainsi la reconnaissance de cette maladie pour les travailleurs exposés. Ce nouveau tableau viendrait compléter les tableaux de maladies professionnelles existants en lien avec le formaldéhyde dans les régimes de sécurité sociale (général et agricole).

L’expertise liste les secteurs, professions et travaux ayant exposé ou exposant à cette substance cancérogène. L’Anses y constate que quasiment tous les secteurs de la nomenclature des activités françaises (NAF) sont concernés : 86 secteurs sur 88.

Voir l’Avis de l’ANSES et le rapport d’expertise Leucémies myéloïdes en lien avec l’exposition professionnelle au formaldéhyde

Nouvelle lecture de la charte de l’environnement

Par sa décision du 27 octobre 2023, le Conseil constitutionnel a retenu une lecture inédite du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, à la lumière du dernier alinéa du préambule de la Charte de l’environnement.

Rappelons l’article 1er de la Charte qui prévoit que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé »

La question prioritaire de constitutionnalité avait été posée en juillet 2023 dans le cadre d’un recours contre la déclaration d’utilité publique ( DUP) de Cigéo

Les juges estimaient donc que l’article L542-10-1 du Code de l’environnement, qui définit ce qu’est un centre de stockage en couche géologique profonde et ses dispositions en matière de réversibilité, n’était pas conforme à la Charte de l’environnement. Ce texte du bloc constitutionnel affirme en effet dans son préambule que « les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ».

Les générations futures c’est quoi ?

Il s’agit, d’après les rédacteurs des principes de Maastricht, des « générations qui n’existent pas encore mais qui existeront et qui hériteront de la Terre ». Il est alors nécessaire de les différencier des générations actuelles, qui occupent en ce moment la Terre, et des générations passées qui ont bénéficié de la Terre auparavant. Il a fallu attendre la conférence de Stockholm en 1972 pour voir émerger un droit des générations futures.

Enfin cette décision rendue le 27 octobre 2023, reconnait au Conseil constitutionnel  pour la première fois le droit des générations futures et autres peuples de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé suite à une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) renvoyée par le Conseil d’Etat.

Une question prioritaire de constitutionnalité est un droit qui permet à tout justiciable de contester une disposition législative, déjà entrée en vigueur, s’il estime que celle-ci porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Il n’est pas possible de saisir directement le Conseil constitutionnel. En effet, la question est soulevée lors d’un procès devant la juridiction administrative ou judiciaire. La question de conformité peut ensuite être renvoyée, par la juridiction saisie, au Conseil constitutionnel si elle remplit les trois conditions prévues :

  • Tout d’abord, la disposition doit être applicable au litige,
  • Elle ne doit pas déjà avoir été déclarée conforme à la Constitution
  • Enfin, la disposition doit être nouvelle ou présenter un caractère sérieux.
  • Le Conseil constitutionnel juge les dispositions conformes à la Constitution

Décision du Conseil constitutionnel, n°2023-1066 QPC du 27 octobre 2023

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000790249

alinéa : « Qu’afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins »

Le rapport du Cnucc sur les engagements climatiques des pays est paru

La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a rendu public son rapport sur les contributions déterminées au niveau national (CDN), c’est-à-dire les engagements pris par les États pour lutter contre le changement climatique à quelques jours du début de la COP 28. Les États devaient proposer : Réduction des émissions de gaz à effet de serre, neutralité carbone, et recours aux énergies renouvelables en diminuant fortement le recours aux énergies fossiles. Les 196 États ont de ce fait un rôle central à jouer. Ils devaient réviser tous les 5 ans leurs engagements et les transmettre à la Convention. Au 31 décembre 2020 seuls 75 pays sur  (dont les membres de l’Union européenne), représentant seulement 30 % des émissions mondiales, avaient déposé leurs nouveaux objectifs auprès de l’ONU avant cette date limite. Le nouveau rapport prend en compte 20 nouvelles contributions soumises depuis un an (Mexique, Turquie, Egypte, Emirats arabes unis, Norvège…) mais pas l’actualisation des 27 pays européens ou du Brésil, soumises depuis octobre.

Or il n’est plus à ignorer que la planète se réchauffe vite. La température a déjà augmenté de 1,1 °C depuis 1850. Si on ne fait rien, on risque de dépasser + 4 °C d’ici 2100. Les États ont un rôle central à jouer.

« Le rapport d’aujourd’hui montre que les gouvernements progressent à petits pas pour éviter la crise climatique. Et il montre pourquoi ils doivent faire des pas audacieux à la COP28 à Dubaï, pour être sur la bonne voie, a commenté Simon Stiell, secrétaire exécutif de la CCNUCC. Chaque minute compte, tout comme chaque fraction de degré compte si nous voulons éviter les pires impacts climatiques et limiter le réchauffement mondial à 1,5 °C. »Il apparait que la baisse des émissions de gaz à effet de serre est largement insuffisante au regard des objectifs fixés en 2015.

Avant la COP 28 sur le climat, un pas cependant vient d’être accompli sur la demande d’indemnisation formulée de longue date par les pays du Sud pour les dégâts subis du fait d’un dérèglement climatique dont ils n’ont pas été acteurs : un fonds « pertes et dommages », dont le principe avait été acté à la COP 27 de 2022, et sera créé.Cette COP28 doit établir le premier bilan officiel et les premiers correctifs affirmés par les États.

https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2023/10/16/paris-agreement-council-submits-updated-ndc-on-behalf-of-eu-and-member-states/

https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/contributions-determinees-au-niveau-national-ndcs