Tous les articles par Jacqueline Collard

La révision du glyphosate remis à plus tard par la CE

La Commission Européenne voulait prolonger de 15 ans l’autorisation du glyphosate en s’appuyant sur un avis de l’agence européenne EFSA qui estimait »improbable » le risque cancérogène alors même que le CIRC (Centre International de Recherche contre le Cancer) avait au contraire considéreré que les preuves scientifiques existantes permettaient de classer le glyphosate comme cancérogène probable. Pour le CIRC, le glyphosate est un « cancérogène probable pour l’homme », mutagène (toxique pour l’ADN) et cancérogène pour l’animal.La décision de l’EFSA s’appuyant sur l’institut allemand de prévention des risques ( BfR) ne  prenant en compte que des études réalisées par les industriels eux-mêmes, elles mêmes étant tenues confidentielles. Au contraire, le CIRC n’a tenu compte que des études sur le sujet – environ un millier – publiées dans la littérature scientifique.

La discorde entre l’EFSA et le CIRC a conduit des  scientifiques à examiner le dossier en détail: ainsi 96 scientifiques ont eu le courage de prendre une position clairement sur cette question en parlant de « tromperie inacceptable » à propos des positions de l’agence européenne EFSA et de l’agence allemenande BfR.  Pour une part, les divergences s’expliquent par les méthodologies des deux organismes. Une virulence rare dans l’entre-soi des experts – réitérée dans un article publié le 3 mars par le Journal of Epidemiology and Community Health

De leur côté, les industriels assurent que le glyphosate est sûr et qu’il est, dans tous les cas, moins problématique que les autres herbicides disponibles. Les enjeux économiques sont évidemment considérables. Le glyphosate n’est pas seulement le principe actif du Roundup : selon les données colligées par l’OMS, mais il entre dans la composition de plus de 750 produits phytosanitaires, commercialisés par environ 90 fabricants répartis dans une vingtaine de pays.

En 2011, dans une étude publiée par la revue Environmental Toxicology and Chemistry, l’US Geological Survey annonçait avoir détecté du glyphosate dans les trois quarts des échantillons d’eau de pluie et d’air analysés dans une région de grandes cultures. En France, il s’en épand environ 8 000 tonnes par an. Avec son principal produit de dégradation, l’AMPA, il constitue le produit le plus fréquemment détecté dans les cours d’eau de France métropolitaine.un-paysan-epand-des-pesticides

Devant l’opposition d’une majorité d’Etats réunissant la majorité qualifiée (55% des Etats membres représentant 65% de la population de l’UE) lors de la réunion du comité d’experts représentant les 28 Etats membres , la Commission Européenne a préféré ne pas soumettre au vote sa proposition. La bataille n’est pas terminée puisque l’échéance pour renouveler l’autorisation du glyphosate expire fin juin et qu’une nouvelle réunion du comité d’experts est prévue les 18 et 19 mai.

Néanmoins, il faut saluer la position des gouvernements, en premier lieu, la France, la Suède et l’Italie qui ont ont su entendre la demande de l’opinion publique et entrainé cette situation de blocage du plan de la Commission Européenne.

Un coup de chapeau aussi aux 96 scientifiques qui ont eu le courage de prendre position clairement sur cette question en parlant de « tromperie inacceptable » à propos des positions de l’agence européenne EFSA et de l’agence allemenande BfR.

La prolongation des centrales nucléaires en question

Alors que le Ministre de l’écologie  annonçait fin février qu’elle était prête à donner l’autorisation de prolongement de la durée de vie des centrales de 10 ans ( passant de 40 à 50 ans): décision qui s’inscrirait dans le cadre de la baisse de la part du nucléaire de 75 à 50% dans la production d’électricité, nos pays voisins s’inquiètent d’une telle décision..

Toutes les installations nucléaires françaises ont été construites, majoritairement , dans les années 80. Elles  étaient conçues pour 30 ans lors de la mise en œuvre, leur longévité a déjà été reportée à 40 ans ce qui aurait donné 2020. On entre dans une période où les enjeux en termes de sûreté sont sans précédent. La poursuite du fonctionnement des réacteurs d’EDF au-delà de quarante ans est un enjeu de sûreté majeur, c’est très compliqué techniquement. EDF estime les travaux à 55 milliards d’euros, ce qui  donne une mesure de leur ampleur.

La loi de transition énergétique prévoit de réduire à 50% la part de l’atome dans la production électrique de la France à horizon 2025 et plafonne à son niveau actuel de 63,2 gigawatts la production nucléaire du pays. Cette dernière disposition contraindra EDF à fermer deux réacteurs, normalement ceux de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), pour compenser la mise en service du réacteur EPR de Flamanville, reportée à fin 2018. 40 ans  est un âge déjà respectable, qui oblige aussi à se demander comment améliorer la sûreté en fonction des nouveaux standards post-Fukushima( d’autant que nous commémorons cette année les 30 ans de Tchernobyl et les 5 ans de Fufushima).

La date de fermeture de Fessenheim approche et EDF investit des dizaines de millions d’euros pour sa sûreté. Pourquoi ne pas l’arrêter tout de suite ? question se posent certains responsables de la sureté.
L’ASN s’est prononcée en 2011 ou 2012 sur les deux réacteurs de Fessenheim en disant qu’ils pouvaient fonctionner dix ans de plus, sous réserve qu’il soit fait des améliorations onéreuses pour assurer la sûreté.

Le Président de l’Autorité de sûreté nucléaire( ASN), Pierre-Franck Chevet, déplore le manque de prise de conscience des risques.
«Il faut imaginer qu’un accident de type Fukushima puisse survenir en Europe» Or, nous n’avons pas obtenu à ce stade les moyens supplémentaires nécessaires pour assurer pleinement notre tâche. Nous sommes donc contraints, en 2016, de nous concentrer sur les installations qui fonctionnent, le risque le plus urgent est là » , or  l’aval de l’Autorité de sûreté, seule habilitée à autoriser cette prolongation, par son président, Pierre-Franck Chevet, a clairement annoncé que son feu vert n’était à ce stade « nullement acquis ».

Face à ces enjeux qui montent, les acteurs du nucléaire ne sont pas en pleine forme, c’est le moins qu’on puisse dire. Ils ont tous, EDF, Areva, mais aussi le CEA, confrontés à de grosses difficultés économiques, financières ou budgétaires. La concomitance de ces  constats montre que la situation est préoccupante à court et moyen termes.

Notre pays voisin la Suisse s’agite à nouveau autour de l’atome. Le même jour où son Conseil national s’attaquait au débat énergétique et on apprenait que la centrale nucléaire de Mühleberg cesserait son activité en 2019, la Ville de Genève et le Canton lançaient leur offensive contre la centrale française du Bugey. Ils  viennent de déposer une plainte contre X, visant le site du Bugey, dans l’Ain, pour « mise en danger délibérée de la vie d’autrui ». La centrale du Bugey située dans l’Ain, est à 70 kilomètres à vol d’oiseau de Genève, le Bugey étant l’une des plus anciennes installations nucléaires de France.Deux des cinq réacteurs de la centrale du Bugey ne fonctionnent plus et un entrepôt de déchets radioactifs est en construction sur le site.

Considérée comme très vétuste, la centrale de Bugey fonctionne depuis les années 1970. Dans les années 90, la ville de Genève avait déjà mené le combat contre la centrale nucléaire de Creys-Malville (Isère), qui a cessé de fonctionner en 1998.

 Et c’est maintenant l’Allemagne qui demande à la France la fermeture de Fessenheim : cette exigence, maintes fois réitérée, est étayée par un incident survenu voilà presque deux ans sur le site alsacien, bénin aux yeux de l’Autorité de sûreté française, pas pour nos voisins allemands qui jugent que l’incident a été  minimisé en France.

A ce propos encore l’ASN (Autorité de sûreté « gendarme du nucléaire français ») ne l’a jamais caché : un accident nucléaire majeur est possible en France, et ses conséquences s’étendraient bien au-delà des limites hexagonales, outre-Rhin, au Luxembourg ou en Suisse.

Des recherches agronomiques montreraient l’avantage de la polyculture

Des chercheurs français démontrent que les rendements des cultures sont plus élevés quand différentes plantes sont mélangées et qu’elles possèdent un patrimoine génétique diversifié. L’exact contraire de ce que fait l’agriculture depuis 60 ans.th1« C’est un nouveau paradigme » s’enthousiasme Cyrille Violle, chercheur au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE-CNRS/université de Montpellier). Dans le cadre du projet PRAISE sur l’amélioration génétique des prairies semées (financé par l’Agence nationale de la recherche), le CEFE et l’Inra de Lusignan dans la Vienne ont mené une expérimentation originale par sa démarche et totalement nouvelle pour la science. En effet ils ont cultivé sur des mini-parcelles 5 espèces fourragères seules ou en mélanges . « Dans les parcelles en polycultures, les plantes n’extraient pas l’eau et les nutriments à la même profondeur dans le sol, leurs racines étant extrêmement différentes. Il y a donc une meilleure exploitation de la ressource disponible » explique Cyrille Violle.

Le rendement plus stable avec un nombre de génotypes plus important s’explique par les capacités individuelles de résistance de chaque individu, ce qui augmente les chances qu’au moins une partie de la population soit moins affectée par le manque d’eau. Avec un seul génotype, la totalité des plantes souffrent en même temps.

 Des pistes à poursuivre pour pallier aux baisses  de rendement et au changement climatique qui imposent de revoir les techniques industrielles qui appauvrissent les sols et et la biodiversité.

Le stress au travail : un enjeu de santé publique

La prévention du stress au travail n’est pas pris à sa juste place en France tout particulièrement.

Selon l’enquête  de l’institut Think pour Great Place to Work, près d’un salarié sur deux (48%) se dit ainsi confronté à des situations de burn-out (arrêt de travail soudain à la suite d’un épuisement lié aux conditions de travail) ou à des niveaux de stress très importants pour lui-même ou pour des proches.

Le Dr Patrick Légeron, pionnier sur la question du stress au travail déplore que la France ne prenne pas plus de mesure pour lutter contre ce problème de santé publique, alors même que le sujet est désormais surmédiatisé. La France a par ailleurs tardé à s’emparer du sujet et « manque encore de données scientifiques ».
Il s’en alarme dans une mise à jour de son ouvrage pionnier sur le sujet, Le stress au travail, publié en 2001. « Quinze ans après, on est sorti du déni dans lequel se trouvaient les entreprises françaises, le stress au travail est même surmédiatisé. Mais si le contexte est complètement différent, les résultats n’ont pas changé », a déploré le médecin mercredi 10 février 2016, en présentant les nouveaux enjeux de ce « problème de santé publique ».

Nombre d’études et rapports internationaux en attestent : le stress au travail et ses corolaires, le burn-out (ou syndrome d’épuisement professionnel), le bore-out (dépression par manque total de stimulus), la dépression, le suicide, est devenu « le premier péril pour la santé des salariés », en raison notamment des nouvelles pratiques managériales et des transformations radicales induites par la révolution numérique, selon le médecin.

En France, « il n’existe pas encore d’indicateur national, ni d’étude économique sur son coût ».
La France reste « un très mauvais élève » en matière de prévention du stress au travail, dont elle peine à évaluer le coût économique.
Selon l’étude publiée par le cabinet de conseil Great Place to Work, plus de la moitié des personnes interrogées (56%) indiquent en outre que leurs conditions de travail et les pratiques d’encadrement ont évolué de manière négative ces trois dernières années, et seul un salarié sur deux affirme que son entreprise prend en compte le bien-être des salariés.

Pour compléments : www.institut-think.com/

Impact changement climatique et alimentation mondiale

Selon l’étude d’une équipe de l’université d’Oxford publiée jeudi 3 mars dans la revue médicale « The Lancet » l’impact du changement climatique sur la production alimentaire causerait en 2050 quelque 529 000 décès supplémentaires au niveau mondial .

De nombreux travaux ont montré que les dérèglements climatiques – sécheresses, pluies de plus en plus irrégulières, inondations, cyclones plus fréquents… – menaçaient la sécurité alimentaire, en entraînant une baisse des rendements agricoles susceptible d’accroître le niveau et la volatilité des prix des denrées, et de rendre ainsi encore plus difficile l’accès des plus pauvres à la nourriture.

Mais pour la première fois, une étude évalue les effets du changement climatique sur l’équilibre nutritionnel. Ainsi, sans mesures immédiates de réductions des gaz à effet de serre, le changement climatique pourrait entraîner, en moyenne, une baisse de la disponibilité alimentaire de 3,2 % par personne, soit 99 kilocalories par jour.Ce qui correspond une réduction de 4 % (14,9 grammes par jour) pour la consommation de fruits et légumes, et de 0,7 % (0,5 g par jour) pour la viande.

La baisse de la consommation de fruits et légumes, et donc de vitamines, pourrait à elle seule provoquer 534 000 morts supplémentaires dans le monde en 2050. Le nombre de personnes en insuffisance pondérale, qui présenteront un risque de décès accru, augmentera également sensiblement. Ces situations de carence en vitamines et minéraux causeraient 266 000 morts supplémentaires en 2050. Néanmoins l’effet positif serait de réduire les cancers et maladies cardiovasculaires dus au excès  tout comme l’obésité mais il faut bien admettre que cela ne touche pas les mêmes populations.

L’ampleur de ces effets du changement climatique variera sensiblement selon les régions. Les pays à bas revenus et revenus intermédiaires seront très probablement les plus affectés, et en particulier ceux du Pacifique occidental et d’Asie du Sud-Est, des régions particulièrement vulnérables aux dérèglements climatiques. En 2050, l’Inde et la Chine pourraient, à elles seules, enregistrer près des trois quarts des décès supplémentaires liés au changement climatique, soit respectivement 136 000 et 248 000 morts en plus.

Pour Bertrand Noiret d’Action contre la Faim aussi, « cette étude a le mérite de relancer le débat sur l’importance de la diversification alimentaire dans la lutte contre la malnutrition, alors qu’on se focalise trop souvent sur la seule quantité de calories ingérées ou produites. Manger des fruits et légumes est bel et bien essentiel pour être en bonne santé, relève celui-ci. Il faut que les politiques agricoles et alimentaires intègrent la diversification dans l’adaptation aux changements climatiques. Cela suppose des changements de pratiques profonds ».

Pour compléments : www.thelancet.com/journals/lancet/article