Tous les articles par Jacqueline Collard

Les indicateurs du changement climatique s’affolent

Selon un consortium d’une cinquantaine de chercheurs mondiaux (publication dans la revue Earth System Science Data.) une mise à jour des indicateurs clés du changement climatique,  a été transmise et il en ressort que la hausse moyenne de la température a déjà atteint 1,19°C ces dix dernières années et pourrait dépasser le seuil symbolique des 1,5°C d’ici cinq ans seulement.En effet entre 2014 et 2023 soit moins de 10 ans la hausse moyenne a atteint 0,26°C.

Le sixième rapport d’évaluation du GIEC (AR6) a fourni une évaluation de l’influence humaine sur les indicateurs clés de l’état du climat sur le sol dans des données jusqu’en 2019 (IPCC, 2021a, Supplément Sect. S1).La mise à jour est fondée sur les méthodes évaluées dans le sixième rapport d’évaluation du GIEC (AR6) de la base scientifique physique des changements climatiques (rapport du Groupe de travail 1). Compte tenu de la rapidité des changements récents et de la nécessité de mettre à jour les connaissances en matière de climat pour éclairer la prise de décisions fondée sur des données factuelles, les indicateurs du changement climatique mondial (CCG) ont été lancés pour fournir aux décideurs des mises à jour annuelles des connaissances scientifiques les plus récentes sur l’état de certains indicateurs critiques du système climatique et de l’influence humaine.

Cette année 2023 a été la plus chaude enregistrée et à elle seule a provoqué une hausse de 1,43°essentiellement due à El Nino. La Niña, associée à des épisodes plus froids, devrait prendre le relais dans la deuxième moitié de l’année. De quoi espérer un répit ? Pas forcément. “La fin d’El Niño ne signifie pas une pause dans le changement climatique à long terme, car notre planète continuera à se réchauffer en raison des gaz à effet de serre”, a déclaré Ko Barrett, secrétaire générale adjointe de l’OMM, citée dans le communiqué.

l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) projette une saison 2024 avec des ouragans “extraordinaires” dans l’Atlantique Nord, soit de quatre à sept ouragans de catégorie 3 ou plus possibles.

https://essd.copernicus.org/articles/16/2625/2024/

La CJUE confirme la jurisprudence française (Arrêt Blaise ) à propos de la mise sur le marché des pesticides

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu ce 25 avril 2024 deux arrêts importants en matière de droit de l’environnement (C‑308/22 CURIA – Documents (europa.eu) et C‑309/22 et C‑310/22 CURIA – Documents (europa.eu)).

En résumé :

L’évaluation des risques associés à l’utilisation des pesticides doit être basée sur les données scientifiques ou techniques disponibles les plus fiables au moment de la délivrance de l’AMM

Ces décisions constituent une confirmation de la jurisprudence Blaise (arrêt C 616/17 obtenu en 2019 par le cabinet) et de la position que nous défendons pour le compte de multiples organisations agricoles et de protection de l’environnement devant le Conseil d’Etat et dans le cadre de plaintes visant à obtenir une évaluation des risques des pesticides avant mise sur le marché conforme à la réglementation européenne.

Les données scientifiques ou techniques disponibles les plus fiables peuvent être utilisées pour contester une autorisation de mise sur le marché d’un pesticide devant les juridictions de l’Etat Membre ayant accordé une AMM ( Autorisation de mise sur le marché)à la faveur d’une évaluation des risques insuffisamment motivée par l’Etat Membre rapporteur ( en l’occurrence pour le glyphosate la France).

L’apport majeur de l’arrêt C-308/22 est de préciser que les données disponibles ne se limitent pas aux documents d’orientation de l’EFSA adoptés par la Commission européenne et les Etats membres au moment de l’introduction de la demande d’AMM mais bien aux « données scientifiques ou techniques les plus fiables… sans égard à leur source ou au moment auquel elles sont devenues accessibles » (cf. point 92 de l’arrêt).

Ainsi l’évaluation des risques effectuée par l’Etat membre avant délivrance d’AMM ne peut se limiter au suivi des documents d’orientation de l’EFSA lorsque ceux-ci sont devenus obsolètes vu l’évolution des connaissances scientifiques. L’Etat qui doit se prononcer sur la délivrance d’une AMM pour un pesticide n’est donc pas tenu par l’évaluation initiale de l’Etat membre rapporteur.

L’arrêt présente également le cadre juridique applicable (règlement N°1107/2009) et il rappelle notamment les dispositions de l’article 29 du règlement qui prévoit que « En vertu de ces principes, l’interaction entre la substance active, les phytoprotecteurs, les synergistes et les coformulants doit être prise en compte lors de l’évaluation des produits phytopharmaceutiques. »

Rapporté par le Cabinet d’avocat Tumerelle qui suit ce dossier pour le collectif Secrets toxiques dont nous sommes membres.

L’ozone coupable de pathologies respiratoires graves et de mortalité en Europe

 L’Ozone polluant secondaire de la pollution atmosphérique a provoqué 114 447 décès sur la période 2015-2017, dans 35 pays d’ Europe : c’est ce qui est annoncé et publié  dans Nature Medicine, et ce pour  une population totale d’environ 530 millions de personnes dans  une étude menée par l’Inserm, le Barcelona Institute for Global Health (ISGlobal), et le Barcelona Supercomputing Center – Centro Nacional de Supercomputación (BSC-CNS).

L’ozone étudié se forme dans la troposphère, la première et plus basse couche de l’atmosphère de la Terre. Il s’agit d’un polluant atmosphérique nocif formé par l’interaction de la lumière du soleil avec deux autres polluants, les composés organiques volatils (combustion de l’essence, évaporation de combustibles liquides, production de gaz et de pétrole…) et des oxydes d’azote (industries, combustion du charbon, essence…) émis en grande partie par les activités humaines.

 Les données proviennent de modélisations obtenues grâce au dispositif de mesure de la qualité de l’air Caliope, qui couvre l’Europe qui  permettent  d’évaluer la dispersion et le transport des polluants atmosphériques, de la terre et de la mer,et ce  même sur de longues distances.

Cette étude a permis d’aboutir à quelques résultats clés :

Selon cette étude, 88,3 % de ces décès seraient liés à une exposition à l’O3 en provenance d’autres pays ; 11,7 % des décès seraient relatifs à une exposition d’origine nationale.
Plus précisément, 20,9 % de tous les décès observés sont liés à de l’ozone ayant son origine dans les autres pays européens analysés, 60,2 % à de l’ozone provenant en dehors de l’Europe et les 7,2% restant à de l’ozone issu du transport maritime. L’étude a également montré qu’au sein de l’Europe, l’O3 attribué à la mortalité émanait majoritairement des pays européens les plus industrialisés.

Ces résultats, publiés dans Nature Medicine, soulignent la nécessité d’actions coordonnées à l’échelle locale, continentale et mondiale de la part de tous les pays pour réduire les concentrations d’O3 et leur impact sur la santé.

https://presse.inserm.fr/la-majorite-de-lozone-tropospherique-contribuant-a-la-mortalite-prematuree-dans-les-pays-europeens-est-importee/68488/

Geographic sources of ozone air pollution and mortality burden in Europe Nature Medicine (2024) https://www.nature.com/articles/s41591-024-02976-x#Abs1

L’impact de la future directive européenne AIR analysé par ATMO AURA

Le Conseil de l’Europe a arrêté sa position de négociation sur la directive Air en novembre 2023. Le Parlement européen a adopté sa position en septembre 2023.Et c’est lors de la séance plénière du Parlement du 24 avril, que l’accord provisoire relatif à la directive qualité de l’air ambiant a été validé.

La loi devrait donc être finalisée au dernier trimestre 2024 et un texte final devrait être transcrit dans le droit français en 2026 pour un respect des seuils en 2030.   Si les niveaux de pollution étaient en baisse ces dernières années, de nombreux territoires vont être à nouveau en dépassement règlementaires et devront mener des politiques plus ambitieuses qu’actuellement pour respecter les nouvelles valeurs limites, sans atteindre cependant les normes OMS.

Pour la Commission européenne, cette nouvelle directive   est une étape intermédiaire pour parvenir à l’objectif zéro pollution du Green Deal européen à l’horizon 2050, qui représente également la date butoir pour atteindre la neutralité carbone.

La carte interactive réalisée par Atmo AURA sur notre région AURA est fort instructive : vous pouvez la consulter avec le lien suivant:

https://storymaps.arcgis.com/stories/de1934a59d074103af77509226df6562?utm_source=brevo&utm_campaign=Newsletter&utm_medium=email

Un rapport qui mérite une suite au profit des enfants

Le rapport sur l’usage des écrans par les enfants (1), remis au Président de la République fin avril, n’a pas jusque là connu la suite qu’il mériterait tant il est indispensable. Et si la surexposition des enfants aux écrans était  un « mal du siècle »

Deux remarques nous alertent dans ce rapport alarmant mettant en évidence l’usage immodéré qu’en font les jeunes, et les conséquences pour leur santé mentale, sans compter la partie  consacrée au numérique à l’école.

Un sondage Ipsos de 2022 faisait déjà état que les enfants de un à six ans consacraient au moins six heures par semaine à regarder des vidéos sur internet, quatre heures aux jeux vidéo et six heures à la télévision. Dans les écoles, Anne-Lise Ducanda, médecin de la Protection maternelle et infantile, constate les effets de cette consommation expo-nentielle. «De plus en plus d’enseignants déplorent l’augmentation du nombre d’enfants incapables de se concentrer en classe», relate-t-elle dans « Les tout-petits face aux écrans » (éd. Du Rocher, 2021).

Et pour les plus grands le travail des enseignants et enseignantes, déjà difficile, devient presque impossible : comment des élèves habitués à surfer, à scroller et à recevoir des décharges de dopamine toutes les minutes pourraient-ils physiquement supporter une heure de cours ?

Derrière les expressions, assenées par des experts, du « bon usage » du numérique, la responsabilité écrasante des entreprises du numérique est transférée aux parents, et plus particulièrement aux parents des classes populaires. S’appuyant sur ces problèmes, ces entreprises pèsent de tout leur poids pour imposer leurs solutions innovantes dans les écoles, sans prendre en compte les impacts qu’elles induisent pour la santé des jeunes.

Nous sommes devant non pas une simple évolution de la société mais un basculement anthropologique majeur. En l’espace de quinze petites années, nous avons vécu une révolution dont nous peinons à prendre la mesure. Une révolution qui s’apparente à une nouvelle domination. Les entreprises du numérique ont réussi en vingt ans à imposer une nouvelle norme sociale : celle de vivre avec six écrans en moyenne à la maison, de consulter un smartphone 200 fois par jour, de regarder des tunnels de vidéos. Le seul moyen d’offrir aux enfants un environnement sain et décent est de s’en écarter résolument et de  transformer collectivement cette addiction devenue massive.

«Une récente revue de littérature internationale des travaux épidémiologiques sur l’exposition des enfants aux écrans (qui n’incluait pas la France) indique que le temps d’écran varie principalement en fonction de l’origine ethnique des parents (les enfants de minorités ethniques étant plus fréquemment et plus longuement exposés aux écrans), de l’âge et du niveau d’éducation de la mère, ainsi que du revenu de la famille (leur élévation est négativement associée au temps écran)», lit-on dans Enfant et écrans de 0 à 2 ans à travers le suivi de cohorte Elfe.

Une politique de prévention ne saurait être la seule réponse à apporter, mais elle apparaît en effet fondamentale à l’heure où la jeunesse française passe la majeure partie de son temps éveillé devant un écran, essentiellement pour des contenus de divertissement, sans compter les dérives auxquelles elle est soumise telles que l’exposition à la violence, au cyber-harcèlement et à la pornographie.

L’addiction de toute une génération d’enfants aux écrans est devenue un problème de santé publique.

(1) Rapport de la commission d’experts sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans. Lire le rapport (pdf)

Les conseils de la pédiatre Sylvie Dieu Osika :

« Il faut interdire l’exposition avant 2 ans et demi, avant l’acquisition du langage. »

« La chambre doit être un endroit où il n’y a ni télé, ni portable, ni tablette, ni ordi, ou en tous cas sans accès au Wi-fi entre 22h et 7h du matin. » (Les 4 pas )

Propositions