Tous les articles par Jacqueline Collard

Atténuer l’épidémie: le but ultime

Il y aura au moins deux semaines de confinement collectif en France en raison de l’épidémie de coronavirus, a estimé mardi le ministre de la Santé. « On est parti sur au moins deux semaines de confinement collectif (…) On sait que deux semaines, c’est une période nécessaire pour bloquer la circulation du virus », a déclaré Olivier Véran . Cette épidémie est cependant  une maladie  bénigne dans 81% des cas, et  les cas graves se portent sur des patients en déficience immunitaire du fait de multi-pathologies, de sensibilité accrue ou d’ages avancés .

Etant donné la capacité des virus à muter, le nouvel horizon des autorités de santé n’est plus de les faire disparaître purement et simplement, mais de limiter leurs effets par le contrôle, explique l’historien Patrice Bourdelais dans une tribune au « Monde ».

Autrement dit, ralentir le rythme des nouvelles contaminations de façon à étaler dans le temps le nombre de cas nécessitant une hospitalisation.Tel est l’objectif des dispositifs mis en place en France: Il montre qu’en l’absence de mesures de protection ou de confinement, le nombre de cas augmente rapidement et surpasse les capacités de prise en charge des patients sévèrement atteints à l’hôpital . L’enjeu étant bien de ralentir la dynamique de l’épidémie afin de protéger les systèmes de santé de la surcharge. Les mesures individuelles ou collectives permettent de retarder le pic épidémique pour étaler dans le temps le nombre de cas d’infection. L’épidémie n’est pas empêchée, mais suffisamment ralentie pour permettre aux hôpitaux de s’occuper correctement des malades.

Mais  surtout le nombre de décès est étroitement lié à la qualité des soins qui sont apportés aux cas les plus graves. Plus un hôpital est débordé, plus le risque est important. L’exemple de l’Italie (plus de 9000 cas pour 500 décès) est le plus frappant à cette heure : certains services de soins intensifs dans le nord du pays manquent ainsi d’appareils de ventilation artificielle, indispensables aux cas les plus sévèrement touchés.

Le stress impacte nos capacités immunitaires

En cette période de crise sanitaire, mieux vaut éviter de trop stresser ! Telle est la conclusion que l’on peut tirer d’une étude publiée dans le Journal of experimental medicine par l’équipe de Sophie Ugolini, directrice de recherche au centre d’immunologie de Marseille-Luminy (Inserm, CNRS, Aix Marseille Université). Cette étude expérimentale révèle en effet, pour la première fois, comment le stress agit sur la réponse immunitaire dirigée contre les virus.

Selon elle “Un stress psychologique entraîne l’activation de l’hypothalamus dans le cerveau, explique -t-elle , puis s’ensuit une cascade d’événements qui activent le système nerveux dit sympathique.” Ce système nerveux sympathique induit la production d’hormones de “stress” telles que les catécholamines (adrénaline et la noradrénaline), qui circulent alors dans le sang pour déclencher différentes réactions physiologiques de riposte au niveau des tissus et organes (augmentation du rythme cardiaque, de la fréquence respiratoire, de la contraction musculaire, de la consommation énergétique, etc).

Par le biais du cerveau, de l’activation du système nerveux autonome (qui contrôle de nombreuses fonctions de l’organisme en dehors de notre volonté) et de sécrétions hormonales de type adrénaline et cortisol, le stress est une réponse physiologique de notre organisme à des éléments extérieurs qui viennent perturber son équilibre. Ce qui veut dire que  l’adrénaline chez nous, peut nous sauver du danger immédiat mais pourrait aussi nous affaiblir face à des stress à long terme.

Le stress réduit ainsi la réponse immunitaire aux maladies infectieuses. Pour la première fois, une étude d’un laboratoire marseillais explique le mécanisme moléculaire du phénomène.

https://rupress.org/jem/article/doi/10.1084/jem.20190554/133716/%CE%B22adrenergic-signals-downregulate-the-innate

La communauté scientifique s’inquiète du projet de loi sur la recherche

La prochaine loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) inquiète la communauté scientifique, qui y voit une menace majeure pour les métiers de la recherche.

Selon eux, celle-ci contribue à aggraver la crise écologique, et non à la réduire.

Le Ministère annonce dés 2019 que la France grande nation de recherche est  reconnue à l’échelle internationale. Toutefois, dans un contexte compétition mondiale, le Gouvernement a souhaité inscrire l’effort de soutien à la recherche dans le cadre pluriannuel d’une loi de programmation. Pour ce faire le Premier ministre a demandé à Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, qu’un travail soit engagé pour la mise en place d’une loi d’orientation et de programmation pluriannuelle de la recherche.

Cependant alors que nous voyons s’accélérer l’artificialisation des sols, l’épuisement des ressources, le dérèglement climatique, l’effondrement de la biodiversité et des écosystèmes, les scientifiques nous documente, nous alimentent à travers leurs diverses disciplines, les causes et l’étendue – croissante, des dégâts constatés partout sur la planète.Ils appellent au contraire à clarifier le rôle de la recherche face à cette destruction généralisée de celle ci , pour la mettre au service d’alternatives écologiques et démocratiques. Or  depuis quinze ans, les postes à l’université ont énormément diminué, les étudiants sont de plus en plus nombreux et pourtant la recherche devrait rester une activité vitale pour l’avenir du pays.

Toujours plus d’évaluation, toujours plus de financement sur projets, toujours plus de hiérarchisation et de différenciation, et pour cela la possibilité d’imposer plus de 192h annuelles aux enseignants-chercheurs et la fin du paiement des heures supplémentaires, telles sont les propositions centrales formulées dans les 3 rapports officiellement commandés par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation pour préparer la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche (la LPPR). L’assemblée s’alarme de certains éléments évoqués dans les rapports préalables au futur projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche: si elles devaient obtenir force de loi, ces dispositions équivaudraient à une remise en cause du statut d’enseignant-chercheur,  ainsi de la conception même de ce que doit être l’université française : le savoir qui y est enseigné est enrichi par les recherches et par la spécialisation des enseignant·e·s dans un ou plusieurs champs de recherche.

11 Mars : 9 ans après Fukushima, où en est on ?

Le 11 mars 2011, un accident nucléaire majeur débutait à la centrale nucléaire de Fukushima Daichi. 9 ans après, contrairement à ce que prétendent les autorités, la situation n’est toujours pas sous contrôle. Neuf ans plus tard, les autorités veulent croire en une résurrection rapide de la région en l’intégrant dans les jeux olympiques de Tokyo d’août prochain, mais est- ce bien raisonnable?

1,2 millions de tonnes d’eau contaminée, que TEPCO souhaite rejeter dans l’Océan Pacifique, sont entreposées sur le site. Les trois cœurs de réacteur ayant fondus se situent toujours sous la centrale accidentée. Par ailleurs, des opérations périlleuses de retrait des combustibles usés situés dans les piscines de refroidissement doivent toujours être menées et de nouveaux rejets ne sont pas exclus.

Dans les villes et villages de la région de Fukushima, jonchés de millions de sacs de terre contaminée dont on ne sait que faire, la « décontamination » s’avère illusoire. De nombreux points contaminés sont régulièrement découverts.Plutôt que de protéger les populations, les autorités pratiquent le déni à grande échelle, relevant les seuils acceptables d’exposition à la radioactivité et incitant les personnes évacuées à revenir vivre dans les zones contaminées. Le Premier ministre Shinzo Abe et l’industrie nucléaire comptent utiliser les Jeux Olympiques de Tokyo comme vitrine pour laisser croire que l’accident appartient au passé.

La radioactivité du césium 137 qui s’est déposé sur de très vastes surfaces lors de l’accident , bien au-delà de la préfecture de Fukushima, y compris jusqu’à Tokyo, n’a diminué que de 20 % en 9 ans… Les puissants rayonnements gamma qu’il émet en permanence continuent à irradier ceux qui travaillent ou qui se réinstallent sur les secteurs partiellement décontaminés de la préfecture de Fukushima et des autres préfectures impactées. Les séquelles de la catastrophe sont pourtant loin d’être nettoyées et il faudra encore des décennies pour régler le problème des 880 tonnes de matières nucléaires hautement radioactives qui ont fondu lors de la catastrophe.

Notre partenaire la Criirad parle d’impossible décontamination

Communiqué partiel Criirad: « Sur la base des constats effectués lors de plusieurs missions au Japon depuis 2011, notre film «Invisibles Retombées» et son teaser mis en ligne aujourd’hui sur notre chaîne Youtube, rend compte de la puissance des radiations invisibles et démontre l’impossibilité d’effectuer une décontamination complète. Dans les zones contaminées par les retombées, la vie ne sera plus «normale» durant des dizaines, voire des centaines d’années; le danger sera là, présent en permanence dans chaque sous-bois, sous chaque pierre, dans chaque ruisseau.. »

En complément lire le communiqué de presse en version longue : Fukushima : le mythe du retour à la normale

Lire le communiqué sur le site de la CRIIRAD : www.criirad.org

« Biodiversité : le pari de l’espoir » d’Hervé Le Guyader: un livre qui aide à comprendre

Dans « Biodiversité : le pari de l’espoir », Hervé Le Guyader veut aller au-delà du catastrophisme. Un livre qui aide à comprendre pour ne pas baisser les bras.

  • Présentation du livre par son éditeur :

« Sixième extinction », destruction du « tissu vivant de notre planète », de la « cathédrale du vivant »… Pour invoquer l’effondrement de la biodiversité, les mots sont forts. Pourtant, ils n’incitent manifestement pas à agir. En dépit des rapports toujours plus alarmants, la prise de conscience collective tarde à venir.

Et si nous n’agissions pas faute de comprendre ce qui est en jeu ? C’est du moins l’hypothèse d’Hervé Le Guyader, qui se méfie du fatalisme trop souvent associé au mot « biodiversité » pour lui privilégier une approche plus fine – croisant la biologie, l’étymologie, l’anthropologie, la neurophysiologie… –, beaucoup plus porteuse d’espoir.

En débordant pour la première fois du seul cadre scientifique, il rend compte non seulement de la biodiversité, mais aussi de la dynamique propre à l’espèce humaine dans cette même biodiversité. Car aux origines de la crise actuelle, il identifie un problème majeur, ô combien d’actualité : l’écart qui s’est creusé entre notre pensée et le reste du vivant.

Hervé Le Guyader est l’un des grands noms de la biologie actuelle, il est professeur honoraire de biologie évolutive à l’université Paris-6 — Pierre et Marie Curie, mais également directeur de l’UMR Systématique, adaptation, évolution du CNRS. Naturaliste de terrain, il a, comme codirecteur, participé à l’expédition Santo, ambitieuse mission scientifique qui a été menée en 2006 à propos de la biodiversité de l’île d’Espiritu Santo dans la République du Vanuatu.