Tous les articles par Jacqueline Collard

Le 8ème rapport du Lancet consacré aux impacts du changement climatique sur la santé nous alerte

En collaboration avec l’OMS, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et plus de 120 experts à travers le monde, la revue scientifique The Lancet révèle, mercredi 30 octobre, son 8éme rapport consacré aux impacts du changement climatique sur la santé, le « Lancet Countdown »(Nouvelle fenêtre) (« compte à rebours » en français).

La directrice de ce projet lancé en 2016, Marina Romanello,a  présenté à la presse ses nouvelles conclusions. « Les populations du monde entier sont confrontées à des menaces sans précédent pour leur bien-être, leur santé et leur survie en raison du changement climatique rapide », a-t-elle exposé. En effet Sur les 15 indicateurs de suivi des risques sanitaires liés au changement climatique, « dix ont atteint un nouveau record »,Certaines bactéries profitent aussi de la hausse des températures. Avec le changement climatique, les deux phénomènes pluies et inondations se multiplient, mettant en péril l’accès à des ressources vitales.

Au milieu de ces mauvaises nouvelles, le rapport pointe toutefois une lueur d’espoir : grâce à la réduction de l’utilisation du charbon, « les décès attribuables aux particules fines (PM2,5) en extérieur, causés par l’utilisation de combustibles fossiles, ont diminué de 6,9% entre 2016 et 2021 », explique-t-il. Cela montre « le potentiel salvateur de l’élimination progressive du charbon », poursuit The Lancet.

Dans le cas de la France, le rapport souligne que l’évolution du climat a, en vingt ans, « considérablement augmenté » le nombre de régions propices à la leishmaniose. Cette maladie, qui se traduit dans sa forme la plus fréquente par une infection cutanée, est provoquée par la piqûre des insectes appelés phlébotomes. Observées dans le sud de la France entre 2001 et 2010, les conditions climatiques propices à cette propagation s’étendent désormais jusqu’à la Côte-d’Or et au Maine-et-Loire. Les changements dans les précipitations et la hausse des températures favorisent la transmission de maladies infectieuses mortelles, qui touchent désormais de nouveaux territoires.

En France, 54,4% du territoire a connu au moins un mois de sécheresse extrême chaque année entre 2019 et 2023, note le rapport, qui ne dispose pas encore de données permettant de voir comment, à l’inverse, les pluies abondantes de 2024 ont elles aussi affectées la santé des Français, tout comme les récoltes agricoles,   poursuit Marina Romanello. Elles favorisent la transmission de maladies infectieuses, augmentent le risque de glissements de terrain et d’autres effets néfastes. »

En 2023, 88 348 kilomètres de littoral, répartis sur 83 pays, ont abrité des conditions propices à la transmission de maladies par les vibrions, « des bactéries qui génèrent des infections gastro-intestinales et des bactéries mangeuses de chair qui génèrent également des infections des plaies, avec un risque de septicémie », explique Marina RomanelloEt notamment, le choléra. Selon le rapport, ce record de surface s’est accompagné en 2023 d’un record du nombre de cas estimés de vibriose, engendrée par ces bactéries : environ 692 000, selon The Lancet.

« Aucun individu ni aucune économie n’est désormais à l’abri des menaces sanitaires du changement climatique, souligne Marina Romanello, la directrice exécutive du Lancet Countdown, chercheur à l’University College de Londres. Partout dans le monde, les populations souffrent de plus en plus des effets financiers et sanitaires du changement climatique, et les communautés défavorisées des pays aux ressources limitées sont souvent les plus touchées , remarque Wenjia Cai, coprésident du groupe de travail 4 du Lancet Countdown à l’université Tsinghua (Chine). L’adaptation ne parvient pas à suivre le rythme ».

Espérons un déclic lors de la prochaine COP 29!

The 2024 report of the Lancet Countdown on health and climate change: facing record-breaking threats from delayed action

https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(24)01822-1/abstract

L’état des masses d’eaux en Europe souligné dans un rapport de l’AEE

L’Agence européenne pour l’environnement (AEE) nous propose une étude constatant la pollution, la dégradation des habitats, les effets du changement climatique et la surexploitation des ressources en eau douce exercent une pression sans précédent sur les lacs, les rivières, les eaux côtières et les eaux souterraines en Europe. « Les eaux européennes ne sont pas en bonne santé, a alerté Leena Ylä-Mononen, directrice exécutive de l’Agence européenne de l’environnement (AEE),

Ce rapport se fonde sur 120 000 masses d’eau de surface et 3,8 millions de km2 de masses d’eau souterraines dans l’UE et en Norvège. Ces données ont été transmises par 19 États membres de l’UE. Il concerne 85% des masses d’eau de surface et 87% des masses d’eau souterraines dans l’UE-27.

D’après ce rapport de l’AEE intitulé «Europe’s state of water 2024 : the need for improved water resilience» (l’état de l’eau en Europe en 2024: nécessité d’une meilleure résilience de l’eau), c’est l’agriculture qui exerce la pression la plus importante, avec une incidence à la fois sur les eaux de surface et les eaux souterraines. En effet les eaux et les écosystèmes aquatiques d’Europe restent gravement touchés par les produits chimiques, principalement par la pollution atmosphérique due à la production d’énergie à partir du charbon et à la pollution diffuse provoquée par les nutriments et les pesticides utilisés par l’agriculture. La dégradation des habitats est également généralisée.

Les données transmises sont alarmantes : 37% seulement des masses d’eau de surface européennes sont en «bon» ou en «très bon»état écologique selon une mesure de la santé des écosystèmes aquatiques en vertu de la directive-cadre sur l’eau de l’UE  ( DCE) ; et 29% seulement ont atteint un «bon» état chimique au cours de la  période 2015-2021.

Néanmoins en Europe, les eaux souterraines se portent mieux que les eaux de surface : 77% d’entre elles présentent un bon état chimique et, sur le plan de l’approvisionnement, 91% seraient en bon état quantitatif.Restons vigilants cependant puisque ces eaux souterraines restent une source essentielle d’eau potable, tout comme  pour l’environnement, l’agriculture et l’industrie.

Toute pollution doit être évidemment évitée, conformément aux objectifs du plan d’action «zéro pollution» de l’UE. À court terme, il est nécessaire de réduire l’utilisation de substances nocives et de nutriments et de prévenir leurs rejets dans l’eau.Or ce sont pas moins de 300 contaminants qui peuvent être mis en évidence par les analyses dont les grandes classes sont les suivantes:

  • les pesticides et leurs métabolites issus des activités agricoles ;
  • les nitrates, nitrites et autres engrais azotés ;
  • les substances chimiques industrielles (utilisation et production) ;
  • les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) ;
  • les métaux, métalloïdes et autres ions minéraux ;
  • les médicaments.

Nous suivrons avec intérêt la prise en compte de ces diminutions drastiques qu’il est nécessaire d’opérer  pour atteindre les objectifs fixés

DCE : directive européenne 2020/2184 du 16 décembre 2020 transposée en France en 2022

Ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine

La COP 16 sur la biodiversité en cours en Colombie

La 16e conférence des Parties* se tient à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 1er novembre 2024 pour la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique (CDB). Cette COP intervient deux ans après la signature de l’accord-cadre de Kunming Montréal (COP15, 2022) qui prévoit la protection de 30 % des terres et des mers de la planète à échéance 2030.Et c’est plus de  190 délégations qui  sont réunies pour discuter de la protection de la nature. Or la nécessité est de prendre  des mesures  à la hauteur de l’urgence : la science a démontré que la destruction de la nature atteignait des niveaux records, mettant l’humanité en péril.

Lors de la cérémonie protocolaire, Antonio Guterres a rappelé les urgences du moment : « la destruction de la nature attise les conflits, la faim et les maladies, alimente la pauvreté, les inégalités et la crise climatique, et nuit au développement durable, aux emplois verts, au patrimoine culturel et au PIB ».

Devant  la nécessité de prises de positions indispensables lors de cet événement mondial, reprenons les paroles de la Directrice générale du WWF Véronique Andrieux : « Partout sur la planète, nous déplorons la perte de nature. C’est pourquoi la COP16 est le moment de passer à l’action. »“Le rapport Planète Vivante du WWF le montrait il y a quelques jours : 73  des populations de vertébrés ont disparu.

Et dans le même temps on ne peut que regretter le positionnement de la Commission européenne le report de la loi (à la fin 2025) , par la Commission européenne (promulguée en 2023) pour lutter contre la déforestation. Or à l’origine de 16% de la déforestation mondiale par le biais de ses importations, l’UE est le deuxième destructeur de forêts tropicales derrière la Chine, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF).

*un traité international adopté lors du sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992.

Charles Stépanoff nous propose un essai pour étudier nos liens avec le vivant

L’anthropologue Charles Stépanoff nous propose un essai « Attachements »: une réflexion sur la manière dont nous entretenons des relations avec le reste du vivant.Les questions qui sont posées par cet auteur:

Comment nous relions-nous à notre environnement et comment nous en détachons-nous ? Comment en sommes-nous arrivés à vivre dans des sociétés dont les rapports au milieu vivant se sont appauvris au point de menacer notre monde de devenir inhabitable ?

Les sociétés humaines varient selon leurs façons d’organiser leurs attachements à leur milieu.Notre société devenue majoritairement urbaine  éloignant la majeure partie de la population à la réalité de la nature. Les espèces avec lesquelles on interagit sont ainsi très peu nombreuses et nos relations avec elles sont simplifiées, pour ne pas dire ignorées.La vie sur Terre est pleine de relations asymétriques de domination : entre proies et prédateurs, entre parents et petits, entre animaux dominants et soumis,

 Et pourtant partout, les groupes humains s’attachent affectivement à des animaux qu’ils apprivoisent et avec lesquels ils partagent habitat, socialité et émotions.En s’appuyant sur l’anthropologie évolutionnaire, l’archéologie, l’histoire, l’ethnographie et ses propres enquêtes de terrain menées en Sibérie et en France, Charles Stépanoff compare différents contextes anciens et actuels, proches et lointains, où les humains s’attachent d’autres espèces. Au fil d’un parcours captivant qui l’amène à repenser intégralement des phénomènes fondamentaux comme le processus de domestication, la genèse des hiérarchies ou la construction des États prémodernes, il explore cette question inédite : comment les attachements au milieu vivant transforment-ils les organisations sociales ?

Les modes de vie résilients sont caractérisés par une diversité de liens multimodaux aux espèces et ne délèguent pas à d’autres groupes dominés, la complexité et la violence des rapports humains avec le milieu vivant.

Charles Stépanoff est anthropologue, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et membre du Laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France. Il a notamment publié Voyager dans l’invisible (2019, 2022), Techniques chamaniques de l’imagination (2019, 2022) et L’Animal et la Mort (2021).

Face aux catastrophes naturelles, une réflexion s’impose sur la mal-adaptation

Vagues de chaleur et sécheresses plus longues, pluies intenses, feux de forêts, déneigement, mouvements de terrain, instabilité climatique se succèdent et désormais  notre pays doit y faire face de façon récurrente

Pour la chercheuse Julie Trottier, directrice de recherche au CNRS et spécialiste de l’irrigation : les infrastructures d’irrigation comme les mégabassines sont une « maladaptation » au changement climatique. « Il faut sortir de cet imaginaire porteur de sa propre perte », car se passer d’irrigation, c’est possible !

Avec le changement climatique, les températures moyennes augmentent, ce qui va avoir un impact sur les régimes pluviométriques. Même s’il existe encore de nombreuses incertitudes, on doit s’attendre à des périodes de sécheresse plus grandes et un changement dans le régime des pluies. Il va donc falloir s’adapter qu’on le veulent ou pas c’est une question magistrale.

Or le Rapport britannique Stern (2006) déjà, avait  été le premier à évaluer l’impact économique des effets du changement climatique. en concluant ainsi : le coût de l’inaction est supérieur au coût de la prévention : 5 % à 20 % du PIB mondial, contre 1 % pour celui de l’action. Et depuis le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat) a  lui aussi été formel : plus les gouvernements tardent, plus la charge sera lourde. Ce « réflexe adaptation » sera en tous cas moins coûteux que de devoir modifier à posteriori des infrastructures, des bâtiments, des équipements industriels spécifiquement pour les adapter aux changements climatique.Dernier point à relever dans le rapport action-inaction : l’impact financier de la sinistralité dans l’assurance dont la hausse provoquera celle des primes d’assurance pour les collectivités comme pour les usagers. Du côté des assurances, le montant des sinistres dus aux événements naturels pourrait augmenter de 93 % ces 30 prochaines années pour atteindre 143 milliards d’euros en cumulé sur la période 2020 – 2050.

Et pour nous persuader nous relayons les besoins chiffrés de l’I4CE: (l’Institute for Climate Economics) en détail :

2,3 Mds€ par an additionnels : les mesures d’adaptation à mettre en place dès aujourd’hui , quelle que soit la trajectoire d’adaptation qui sera fixée pour la France, dont :

1.5 Mds€ pour une première série d’actions sans regret,

540 M€ pour renforcer les politiques existantes,

250 M€ pour engager plus de moyens humains et d’ingénierie.

Et d’abord il s’avère nécessaire d’ engager des moyens humains et techniques qui sont un pré-requis indispensable pour engager l’adaptation face au climat pour une  dépense finalement minime (250M€/an) en acceptant d’y  consacrer du temps humain, de « l’intelligence » et de l’expertise technique qui seront essentielles.

Adapter notre pays aux conséquences du changement climatique nécessite un budget – évalué au minimum à 2,3 milliards par an pour les mesures incontournables en martelant:  Prévenir coûtera toujours moins cher que réparer.