Tous les articles par Jacqueline Collard

La justice climatique s’impose avec « l’Affaire du siècle »

Ce matin le 19 novembre à 9h30, le Conseil d’Etat a rendu une décision véritablement historique pour la lutte contre la crise climatique : il met l’Etat face à ses responsabilités en considérant que les objectifs de réduction de gaz à effet de serre fixés par la loi sont contraignants. Répondant au recours climatique de la commune de Grande-Synthe, que soutient l’Affaire du Siècle, la plus haute juridiction administrative a donné 3 mois à l’Etat pour montrer que les actions mises en place sont suffisantes pour les atteindre. Elle a été rejointe dans son action par les villes de Paris et de Grenoble, ainsi que par les quatre associations écologistes qui portent l’Affaire du siècle. L’autre grand procès français en matière de climat, qui est soutenu par plus de deux millions de citoyens, et dont l’issue est dépendante de ce contentieux.

Décryptage de cette décision qui rebat les cartes de la politique climatique pour la France avec Guillaume Hannotin, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, qui représente l’Affaire du Siècle dans le dossier de Grande-Synthe.

 Le Conseil d’Etat dit en substance à l’État de respecter la loi, en quoi est-ce révolutionnaire ?

En droit, on distingue ce qu’on appelle “du droit mou” et du “droit dur”. Les lois de programmation étaient jusqu’à maintenant du droit mou, c’est-à-dire un droit qui dit beaucoup de choses, mais n’oblige à rien, ce que j’appelle du droit “y’ a qu’à – faut qu’on”, un droit qui fixe des rendez-vous – les plus lointains possibles – qui décrit des trajectoires – bientôt amendées – et qui pose des thermomètres, mais sans jamais prévoir d’obligations ni d’actions … Les objectifs contenus dans ces lois, comme la loi sur la Transition énergétique et la croissance verte de 2015, étaient donc de l’ordre de l’affichage, de l’effet d’annonce politique, éventuellement de l’incitation – mais pas de l’action…

Et là, le Conseil d’Etat dit, qu’au vu de l’urgence climatique, et du droit, ces objectifs doivent être considérés comme obligatoires.  C’est essentiel, car c’est prendre le politique au mot, rendre son sérieux à l’action publique et à la parole politique !

Le Conseil d’Etat montre aussi qu’il a compris que c’est dès maintenant que les objectifs de 2030, 2050, et au-delà, se construisent. L’argument de l’Etat était de dire “On ne peut pas prédire où nous en serons des émissions de gaz à effet de serre dans 10 ans”. Le Conseil d’Etat lui répond qu’on doit regarder aujourd’hui si on prend la bonne direction. Nous sommes en présence de trajectoire et l’objectif de dans 10 ans se construit dès à présent. Si on fonce dans un mur, on n’a pas besoin d’attendre la collision pour affirmer qu’il faut freiner.

 Que va-t-il se passer maintenant ?

Le Conseil d’Etat a donné 3 mois à l’Etat pour montrer qu’il se donne bien les moyens d’atteindre ses objectifs et que les trajectoires prévues et réelles sont cohérentes pour arriver à une réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 1990, d’ici à 2030. Ce qui va se passer, c’est donc une évaluation des politiques publiques mises en œuvre. D’habitude, cet exercice a lieu en commission parlementaire ou à la Cour des comptes. L’énorme différence ici, c’est que le Conseil d’Etat peut aller beaucoup plus loin, puisqu’il a la possibilité, à l’issue de cette évaluation, d’ordonner à l’Etat d’agir, sur des points précis ! C’est donc une décision qui a le potentiel d’amener des changements très concrets.

Pendant ces 3 mois, l’Affaire du Siècle, qui avait déjà soulevé l’insuffisance des actions de l’Etat et le non-respect patent des trajectoires, va pouvoir déposer un nouveau mémoire pour continuer à renforcer le dossier de Grande-Synthe, en s’appuyant par exemple sur l’expertise du Haut Conseil pour le Climat qui constate lui aussi que l’Etat n’en fait pas assez.

 Quelles sont les conséquences pour l’Affaire du Siècle et la justice climatique en général ?

Pour l’Affaire du Siècle, cette première décision du Conseil d’Etat dans le dossier de Grande-Synthe est déjà un premier pas vers une victoire. Car là aussi, l’Etat prétendait qu’on ne pouvait rien lui opposer avant 2030, et que de toute façon, il n’était pas vraiment tenu par ces objectifs. Le Conseil d’Etat dit que c’est faux. Or le Conseil d’Etat est la plus haute juridiction administrative en France, cette décision est donc définitive.

Le Tribunal administratif devra donc prendre en compte cette jurisprudence. Mais parce que les deux recours sont différents, et complémentaires, il pourrait aller plus loin et reconnaître par exemple l’obligation générale faite à l’Etat de lutter contre les changements climatiques, ou le sanctionner sur des carences spécifiques (énergies renouvelables, efficacité énergétique, etc), là où le Conseil d’Etat s’est prononcé uniquement sur les gaz à effet de serre.

Enfin, ça ouvre la voie à d’éventuels autres recours, y compris dans d’autres domaines, pour faire condamner par exemple des actions qui vont à l’encontre des objectifs de réduction de gaz à effet de serre et permettre à l’humanité d’échapper à des changements insurmotables.

Rappel des numéros d’urgence

En cas d’urgence et de danger immédiat :

Appeler le 17

Utiliser le 114 par SMS

 le 112 a vocation à être utilisé :

pour toute urgence nécessitant une ambulance, les services d’incendie ou la police lorsque vous êtes en déplacement dans un pays européen ;

par les voyageurs étrangers qui ne connaissent pas les numéros d’urgence en France.

Pour un conseil, une orientation ou signaler un fait de violences  sur des femmes : le 39 19 

114 – numéro d’urgence pour les sourds et malentendants

191 – sauvetage dans les airs

196 – sauvetage en mer

 

Les bons réflexes en cas d’accidents majeurs ou de catastrophes naturelles

Dans le suivi de la la campagne régionale d’information du public sur les risques industriels majeurs qui a débuté  à l’automne 2018 pour une durée de cinq ans ( 2023), une réunion des principaux acteurs a été programmé en ce mois de novembre, à laquelle nous avons participé.La préfecture AURA a fait le choix fait en 2018 de conduire cette campagne d’information de façon continue, ce qui passe notamment par la tenue de ces journées annuelles d’échanges entre les acteurs de la prévention des risques, qui favorisent le partage d’expérience.

Or l’accident de Lubrizol à Rouen a démontré les failles de l’organisation des alertes sur un site industriel, ce qui a déclenché des commissions d’enquête qui ont pointé les anomalies : La commission d’enquête du Sénat a pointé sur l’accident de Lubrizol « une mauvaise information généralisée sur les dangers qui peuvent exister à proximité d’un site Seveso ».Les riverains des sites Seveso*ne disposent que de très peu d’informations sur les dangers encourus. L’Autorité environnementale le pointe également à travers plusieurs dossiers.

Suite à l’incendie de Lubrizol, le Préfet de Région a adressé un courrier à l’ensemble des industriels SEVESO en Auvergne-Rhône-Alpes, afin de leur rappeler en particulier en tant qu’exploitant, leur responsabilité sur leur établisse-ment pour vérifier la conformité de leurs installations et des produits stockés par rapport aux arrêtés encadrant les activités de leurs sites. Ce courrier rappelle en outre à ces mêmes industriels l’importance de tester leurs dispositifs de crise et leur demande de procéder à des exercices nocturnes. Un certain nombre d’actions doivent en effet pouvoir être menées de manière automatique lorsque l’incident se déclenche. Plus on s’est exercé, plus on est préparé, meilleure sera la gestion le moment venu.

La campagne 2018 « Les bons réflexes » est d’envergure unique en France. Elle concerne plus de 120 établissements industriels et 410 communes sur la région Auvergne-Rhône-Alpes.

*Site Sévéso: nom générique d’une série de directives européenne  qui imposent aux  Etats memebres de l’Union européenne d’identifier les sites industriels présentant des  risques d’accidents majeurs, appelés « sites Seveso », et d’y maintenir un haut niveau de prévention. Cette directive tire son nom de la catastrophe de Seveso qui eut lieu en Italie en 1976 et qui a incité les États européens à se doter d’une politique commune en matière de prévention des risques industriels majeurs. La directive européenne Seveso 3 (juillet 2013) a fait l’objet d’une transcription dans le droit français par le décret n° 2014-285 du

http://www.lesbonsreflexes.com/bons-reflexes-synthese-vdef-avec-liens-v3.pdf

Plus d’informations sur www.lesbonsreflexes.com.

 

 

 

site www.lesbonsreflexes.com

Le CESE adopte un avis sur « L’hôpital au service du droit à la santé »

Avant même la crise consécutive à la covid-19, la situation des hôpitaux était à l’origine des nombreuses pétitions qui ont conduit le CESE ( Conseil économique et social et environnemental) à se saisir du sujet. La préparation de ce projet d’avis s’est faite en lien avec les citoyens, prenant en compte à la fois de nombreuses pétitions et les résultats d’une consultation citoyenne dédiée.

Ces contributions dénonçaient les fermetures de lits, de services et d’établissements, déploraient l’insuffisance des moyens des hôpitaux et la dégradation des conditions de travail, tout en montrant un attachement très fort à notre système de soins et de santé.

A partir de ces échanges , le CESE formule 17 préconisations organisées en 3 axes :
  • RÉTABLIR UN FONCTIONNEMENT DE L’HÔPITAL ADAPTÉ AUX BESOINS:Après des années sans autre stratégie que celle des économies budgétaires, l’hôpital doit disposer d’un financement et d’un fonctionnement à la hauteur de ce qu’on lui demande
  • MIEUX INTÉGRER L’HÔPITAL DANS LES TERRITOIRES ET REFONDER LA GOUVERNANCE EN SANTÉ:Cela implique la réalisation préalable d’un diagnostic partagé des besoins locaux de santé et des réponses qu’il faut leur donner et dans l’attente, un moratoire sur les fermetures de lits
  • L’HÔPITAL DANS LE SYSTÈME DE SOIN : MIEUX ORGANISER LES INTERFACES:mettre fin aux ruptures dans les parcours, en organisant plus efficacement les interfaces entre l’hôpital et les autres acteurs de la prise en charge médicale, médico-sociale et sociale.

Il s’agit d’un problème structurel, que les décisions prises dans le cadre du Ségur de la santé n’ont pas réglé, puisque le gouvernement a réussi à introduire malgré la crise, de programmer des économies dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021

Une analyse de la sociologue Dominique Méda constate que la crise sanitaire a mis en lumière le principal problème de notre système de santé : son incapacité à réduire les inégalités sociales face à la maladie.« Il est nécessaire d’investir massivement dans la prévention, parent pauvre de la politique de santé »

L’ANSM mise en examen à propos de la dépakine

L’Agence nationale de sécurité du médicament doit répondre d’un défaut d’information de l’utilisation de ce médicament ( indication: antiépileptique et troubles bipolaires, commercialisé depuis 1967 ) envers les femmes enceintes quant aux risques connus pour la santé du fœtus.

L’ANSM affirme prendre « toute la mesure de la souffrance des victimes et œuvre depuis plusieurs années afin de limiter l’exposition au valproate des femmes en âge d’avoir des enfants ». Elle « répondra à toute interrogation de la justice afin d’apporter sa pleine et entière contribution à la manifestation de la vérité ».

L’enquête avait été ouverte en 2016 auprès du tribunal judiciaire de Paris, à la suite d’une procédure à l’initiative de l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac), représentant 4 000 personnes dont la moitié des enfants malades, et qui s’appuyait sur quatorze cas de mères ayant reçu de la Dépakine lors de leur grossesse. Cette molécule aurait un risque élevé de malformations congénitales sur le fœtus si elle est prise par une femme enceinte. Le nombre d’enfants handicapés à cause du valproate de sodium est estimé entre 15 000 et 30 000, selon les études.

Cette mise en examen « ne me surprend pas, c’est dans la droite ligne de la condamnation de l’Etat par le tribunal administratif de Montreuil » a réagi auprès de l’Agence France-Presse (AFP) Marine Martin, présidente de l’Apesac. Cette condamnation, prononcée en juillet, avait vu l’Etat sommé d’indemniser plusieurs familles d’enfants lourdement handicapés.