Nous relayons les statistiques transmises par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire N°21 à savoir que 4 cancers sur 10 pourraient être évités, puisque liés à nos modes de vie.
La part des cancers dits « évitables », c’est-à-dire attribuables à des facteurs de risque liés au mode de vie ou à l’environnement, vient d’être réévaluée pour la France métropolitaine : elle représenterait 41 % des tumeurs survenues en 2015 chez les adultes de plus de 30 ans, soit 142 000 cas (84 000 chez les hommes et 58 000 chez les femmes). Cette estimation est le fruit d’une vaste étude coordonnée par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), publiée lundi 25 juin dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH)N° 21.
En 2000, la part des cancers évitables était évaluée en France à 35 %, tandis que les études portant sur d’autres pays donnent une fourchette variant entre 30 % et 50 %.
L’originalité de l’étude, par rapport aux évaluations antérieures, est d’avoir élargi le spectre des causes évitables à treize facteurs majeurs de risque pour lesquels un lien avec la survenue de cancer est bien établi, et pour lesquels l’exposition des Français était connue. La consommation de viande rouge et de charcuterie ou les expositions professionnelles (trichloréthylène, gaz d’échappement du diesel) n’étaient par exemple pas prises en compte auparavant.
Isabelle Soerjomataram, qui, au CIRC – agence intergouvernementale de recherche sur le cancer créée en 1965 par l’Organisation mondiale de la santé –, a coordonné l’étude, souligne que le message principal est positif : « C’est une bonne nouvelle de savoir que l’on peut agir sur 40 % des cancers, en se concentrant sur treize facteurs de risque seulement. »
Le déclenchement d’un cancer peut évidemment avoir des origines multiples et combinées. La part du hasard, c’est-à-dire liée à la survenue de mutations aléatoires dans l’ADN des cellules, fait l’objet d’âpres débats scientifiques. Elle est évaluée par certains à deux tiers des mutations susceptibles de déclencher un cancer. Le poids de l’hérédité, c’est-à-dire les prédispositions à développer certains cancers en raison de son patrimoine génétique, représenterait environ 5 % des cas.
Restent les cancers dits « évitables ». Tout l’intérêt de l’étude du BEH est donc de chiffrer le poids des déterminants sur lesquels on peut agir en modifiant des comportements (tabac, alcool, alimentation, activité physique) par la réglementation (polluants, pesticides, composants alimentaires) ou la prophylaxie (vaccins).
Sans surprise, le tabac et l’alcool restent les deux principaux « fauteurs évitables » de cancers, représentant 20 % et 8 % des cas, les deux sexes confondus. Chez les hommes, c’est ensuite l’alimentation qui prédomine (5,7 % des cas), tandis que chez les femmes, c’est le surpoids et l’obésité (6,8 %). « Je ne m’attendais pas à ce que ces facteurs de risque soient si élevés, commente Isabelle Soerjomataram. Il semble que la France suive dans ce domaine la trajectoire de pays comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni. »
« Cet état des lieux a permis de mettre en exergue des lacunes scientifiques (comme les expositions chimiques), mais aussi le besoin de recherche pour identifier le rôle de facteurs de risques émergents (comme les perturbateurs endocriniens) », notent ainsi Christopher Wild, directeur du CIRC, Norbert Ifrah, président de l’Institut national du cancer, et François Bourdillon, directeur général de l’agence sanitaire Santé publique France dans l’éditorial du BEH. Cela signifie que, à mesure que des données plus solides apparaîtront, la part des cancers évitables pourrait encore augmenter.
Il est aussi à noter que les outre-mer n’ont pas été inclus. Le poids du chlordécone, un pesticide longtemps utilisé dans les bananeraies, serait sans doute à prendre en compte pour les cancers de la prostate. « On aimerait poursuivre l’analyse dans ces territoires », note Isabelle Soerjomataram, pour qui les facteurs de risque seraient alors probablement différents.