Yann Laurans, directeur biodiversité de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) s’exprime : Le bilan n’est pas fameux. Certes quelques objectifs ont été atteints. Globalement, 17% des surfaces terrestres et 10% des aires maritimes devraient être protégées au moins sur le papier car on peut s’interroger sur l’efficacité de certains cadres réglementaires.
La prise de conscience des individus et des opinions publiques sur la valeur de la diversité biologique a également progressé et le protocole de Nagoya qui lutte contre l’accaparement des produits d’intérêts issus de la nature par des industriels est entré en vigueur. Mais les ressources halieutiques sont toujours surpêchées, les zones humides continuent de disparaître, les subventions néfastes aux milieux naturels (comme par exemple les aides à la pêche industrielle) existent toujours, l’agriculture n’est pas “durable”, les pressions anthropiques sur les récifs coralliens n’ont pas été réduites au minimum et l’extinction d’espèces n’a pas été freinée. Le dernier rapport du WWF rappelle que 60% des vertébrés sauvages ont disparu depuis 1970.
La 14ème réunion de la convention des Nations Unies sur la diversité biologique a été officiellement ouverte ce 17 novembre 2018 dans le centre international de conférence de Sharm El Sheikh en présence du Président égyptien, Abdel Fattah el-Sisi. Ont successivement pris la parole ; L’Ambassadeur José Octavio Tripp Villanueva, du Mexique, au nom de la présidence de la CdP 13, qui a souligné l’important travail des organes subsidiaires, des autres organes compétents des Nations Unies et du large éventail de parties prenantes, et a souligné “qu‘il est temps d’investir dans la biodiversité pour les gens et la planète”. Cette conférence se tient alors que tous les signaux sont au rouge vif.
Face à ce sombre tableau, les représentants des 196 Etats parties à la convention planchent sur les moyens d’intégrer la protection de la biodiversité dans cinq secteurs économiques : l’énergie, les activités minières, les infrastructures, la fabrication et la transformation, et la santé. D’autres questions stratégiques sont en discussion, rappelle le ministère de la Transition écologique : biodiversité et changements climatiques, aires terrestres et marines protégées, prévention des risques biotechnologiques et partage des avantages (APA) liés aux ressources génétiques.
L’Organisation des Nations Unies appelle les décideurs de plus de 190 pays à redoubler d’efforts pour mettre fin à la perte de biodiversité et protéger les écosystèmes qui garantissent la sécurité de l’alimentation en eau et la santé de milliards de personnes. En outre, en marge de la Conférence des Nations Unies sur la diversité biologique, des gouvernements, des entreprises, des ONG et des organisations intergouvernementales, des villes et des autorités infranationales, des peuples autochtones et des communautés locales se sont engagés à soutenir le Plan stratégique pour la diversité biologique 2011-2020.L’enjeu de cette réunion internationale ? Préparer un plan stratégique post-2020 pour la biodiversité.
Or, la mobilisation de la société civile ne semble pas au rendez-vous, comme le prouve la très faible couverture médiatique de la COP. Tout comme le volontarisme des Etats n’atteint pas le niveau nécessaire. “Ici en Égypte, nous ressentons un profond sentiment de déception, car nous n’avons pas encore constaté de vision ou d’orientation qui soit cohérente“, déplorait le 21 novembre Marc Lambertini, directeur général du WWF International. Aussi, l’ONG appelle les Etats à “rehausser leur ambition dès cette COP14 à travers l’adoption d’une feuille de route solide, soutenue au plus haut niveau politique, qui puisse aboutir en 2020 à un accord ambitieux, avec pour objectif de mettre fin à l’érosion de la nature d’ici 2030“.
“La stabilité de notre économie et de notre société dépend de la nature et des services qu’elle nous fournit gratuitement (…), rappelle l’ONG. Si l’on devait payer pour de l’air frais, de l’eau potable, pour l’alimentation, le montant serait estimé à 125.000 milliards de dollars par an, soit plus que le PIB mondial“.