Ces substances sont suspectées de jouer un rôle dans la baisse de la fertilité humaine, comme d’ailleurs de déclencher d’innombrables maladies comme d’ailleurs les cancers hormonaux-dépendants: aussi n’est-il pas temps d’en limiter leurs utilisations et surtout de les réglementer, avant qu’il ne soit trop tard?
Telles étaient les interrogations confortées par les nombreuses études qui nous ont été présentées lors de colloque du 14 Septembre 2010 qui s’est tenu dans les locaux de l’Assemblée nationale à l’initiative du réseau environnement santé. De nombreux chercheurs et lanceurs d’alerte plaident donc pour une nouvelle approche de l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux afin de promouvoir une réglementation de ces substances.
« Faut-il attendre 2031 et l’augmentation des cancers du sein pour décider d’agir ? » s’exclame Ana Soto, chercheur à l’université de Tufts (Boston, Etats-Unis), cette chercheuse faisant référence aux effets cancérogènes du bisphénol-A (BPA) observés chez le rat et la souris, mais non démontrés à ce jour chez l’homme, alors qu’il a fallu attendre 2006 pour observer les cancers du sein chez les femmes exposées au distilbène (un œstrogène de synthèse prescrit aux femmes enceintes dès 1940 et interdit en 1977 en France)», rappelle-t-elle.
A ce jour on considère qu’il existe près de 500 perturbateurs endocriniens (PE), des substances capables d’interférer avec le système hormonal.
Dans ces perturbateurs on compte les phtalates, le BPA, certains pesticides, des métaux lourds, des polluants organiques persistants (POP) comme les PCB et dioxines, des médicaments et les phytoestrogènes naturels comme le soja. Présentes à faibles doses dans l’environnement (eau, sol) et la chaîne alimentaire, ces molécules se retrouvent souvent dans le sang et l’urine humaines. Leurs impacts sur la faune sauvage, comme la féminisation des poissons, ont été largement démontrés.
En 1991 lors de la conférence de Wingspread aux USA a été soulevée pour la première fois l’hypothèse selon laquelle ils pourraient être à l’origine de certaines pathologies humaines. « Il fallait du courage pour lancer cette hypothèse, validée depuis par de nombreux articles scientifiques», souligne André Cicolella, président du RES.
De nombreuses études ont en effet montré des effets des PE sur des modèles animaux. « On est sûr des effets néfastes chez le rat et la souris, à des concentrations très faibles, mais il n’y pas encore de preuves chez l’homme. Ce sont toutefois des signaux d’alerte», indique Ana Soto.
« Il est difficile d’extrapoler à l’homme les résultats observés chez l’animal, rappelle cependant Patrick Fénichel endocrinologue à l’Inserm de Nice. La forte augmentation des cancers du sein, de la prostate et de la testicule, suggèrent néanmoins le rôle joué par les facteurs environnementaux », même si jusque là le lien entre exposition à un PE et un de ces types de cancers n’a encore pu être démontrée de façon certaine.
Les PE sont également suspectés de jouer un rôle dans la hausse des malformations génitales chez l’homme, dans les dysfonctionnements de l’intestin ainsi que dans certains troubles psychiatriques (dépression, anxiété).
Les chercheurs se heurtent néanmoins à des difficultés, comme l’évaluation de l’exposition passée (d’où la nécessité de développer des marqueurs prédictifs) et l’évaluation de l’effet « cocktail » des mélanges de substances.
Pour Ana Soto, « il ne s’agit plus d’un problème scientifique mais de politique de santé. On a besoin des législateurs pour changer de paradigme ». Un point de vue qui n’est pas consensuel dans la communauté scientifique.
Dans ce contexte le rapport et l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sur les PE qui doit être publié avant la fin de l’année, est très attendu. « On touche aux limites du système actuel d’évaluation des risques », explique Gérard Lasfargues, directeur adjoint de l’Agence. Il propose de mettre en place de nouveaux schémas d’évaluation des risques, qui permettraient de recommander des mesures adaptées -de l’information à l’interdiction des notion du principe de précaution car, face aux questions d’incertitudes, substances- en fonction de l’appréciation du risque. « Je revendique la notion du principe de précaution car, face aux questions d’incertitudes, le scientifique ne peut pas rester désengagé », affirme-t-il. L’interdiction du BPA dans les biberons, votée fin juin au Parlement, doit entrer en vigueur le 1er janvier 2011. Le gouvernement s’est également engagé à ouvrir un débat sur l’interdiction générale du BPA dès janvier 2011.